Napoléon
en avoir cent, change ses dispositions ! »
— Sans vous, aurait encore poursuivi Napoléon, j’aurais ignoré que l’heure de mon retour était sonnée... Sans vous, on m’aurait laissé ici remuer la terre de mon jardin.
« Quelle platitude, quelle puérile naïveté ! » , note encore le proscrit.
Fleury aurait d’ailleurs confié à la reine Hortense que, lors de son voyage à l’île d’Elbe, « l’Empereur lui avait fait beaucoup de questions sur la situation en France, qu’il ne doutait pas que l’état dans lequel il l’avait dépeinte ne lui eût donné l’idée de ce prompt débarquement sans que toutefois l’Empereur lui en eût dit un mot... »
Napoléon n’avait nullement besoin de la visite du sous-préfet pour décider, profitant de l’absence du colonel Campbell, de cingler vers les côtes de France. Il n’était point nécessaire de lui dicter sa conduite : il envoie le chevalier Colonna auprès de Murat afin de lui faire part de ses intentions et le prier de se porter sur les frontières autrichiennes, sans toutefois les franchir {41} .
Le chevalier était parti pour Naples retrouver Marie Walewska et se trouvait porteur de cette lettre datée du 17 février 1815 :
« Mon Cher Murat, je vous remercie de ce que vous avez fait pour la Comtesse de Walewska ; je vous la recommande et surtout son fils qui m’est bien cher. Colonna vous dira bien des choses grandes et importantes ; je compte sur vous et surtout sur la plus grande célérité. Le temps presse. Mes compliments à la Reine et à vos enfants. Tout à vous. »
La trahison de 1814 était bien oubliée...
Mais existait-il en France un « complot bonapartiste » souhaitant remettre Napoléon sur le trône ?
On a affirmé à l’époque que l’ex-secrétaire d’État de Napoléon : Maret – le duc de Bassano – se trouvait à la tête d’un véritable mouvement. Il suffit de parcourir ses lettres pour se convaincre du peu de fondement de cette accusation. « Je ne manque aucune occasion, écrira-t-il à son ami Sémonville en parlant de ses fils, de leur faire prendre des impressions convenables au gouvernement sous lequel ils doivent vivre et de combattre d’avance des souvenirs qui ne leur seraient bons à rien. » Pour lui le cri de Vive l’Empereur est « séditieux ».
Le retour de la Monarchie avait fait fuir les frères et soeurs de l’Empereur comme une volée de moineaux. Seule, Hortense était « restée à Paris, en essayant d’obtenir les faveurs du pouvoir royal. Il y avait aussi les maréchaux qui ne pensaient qu’à jouir de la fortune ou des places données par le nouveau régime, et tremblaient à la pensée de devoir remettre leurs bottes – ce qui se produirait infailliblement si Napoléon remontait sur le trône. Quant à ceux qui se précipiteront dans les bras de l’Empereur dès son arrivée, tel La Bédoyère à Grenoble, ce fut la seule apparition audacieuse de leur dieu qui, provoquant leur émotion, les déterminera à se joindre à lui – et nullement une adhésion à une quelconque conspiration !
L’euphorie de Louis XVIII est totale. Il n’ignore sans doute pas qu’il existe çà et là dans le royaume une sourde « fermentation », selon son expression, mais – il l’écrit à Talleyrand : « Je ne m’inquiète pas... je ne crains rien, et un peu plus tôt ou un peu plus tard, je verrai se dissiper les nuages dont j’avais prévu la formation. » Un même bandeau couvre les yeux de son entourage. « On parle de son armée, écrivait Beugnot, ministre de la police de Louis XVIII, comme si l’on débarquait en France avec sept ou huit cents hommes, dont la plupart déserteurs dès qu’ils le peuvent ! » Son successeur, André de Bellevue, – en dépit de son nom – montra le même aveuglement. Voulant faire des économies, il supprima même les agents secrets que Beugnot avait envoyés à l’île d’Elbe...
Cependant, à l’île d’Elbe, au fil des jours, se formaient les nuages que Louis XVIII espérait voir se dissiper.
Le 6 février 1815, l’Empereur confie à Pons de l’Hérault :
— On me reproche de sacrifier le bonheur et la gloire de la France pour rester tranquille à l’île d’Elbe. Les maux de notre pays me déchirent l’âme, j’en ai perdu le repos. Les voeux de l’armée me rappellent. L’immense majorité de la nation me désire. Ceux qui m’avaient accusé se taisent et rougissent. Les Bourbons ont
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