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Napoléon

Napoléon

Titel: Napoléon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Castelot
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dimanche 26, vers le golfe Juan.

    Il est bien certain – Guy Godlewski l’a fort justement remarqué – « que la seule présence à Porto-Ferrajo de la frégate dont le colonel Campbell se servait comme bateau de plaisance eût suffi à tenir en respect toute la flottille napoléonienne réunie »... et aurait empêché Napoléon de gagner la France.
    Il n’avait nullement été prévu par les Alliés de placer près de l’Empereur déchu une manière de geôlier. Napoléon régnait sur son île comme un prince indépendant. À la fin du mois de mai 1814, les commissaires prussien, autrichien et russe, qui, depuis Fontainebleau, avaient accompagné Napoléon jusqu’à sa nouvelle royauté, étaient venus prendre congé de lui. C’est seulement alors que Campbell proposa à l’Empereur de rester à l’île d’Elbe. Napoléon s’empressa d’accepter. Campbell ferait ainsi figure d’ambassadeur accrédité, prouvant par sa seule présence la souveraineté de l’Empereur et pourrait, au surplus, être utile pour reprendre éventuellement le dialogue avec les Alliés.
    On devine la chaude approbation du ministre des Affaires étrangères britannique, lord Castlereagh. C’était inespéré ! Non seulement un officier anglais espionnerait ouvertement le dangereux proscrit, à la faveur des contingences quotidiennes, mais encore une frégate britannique – celle de Campbell – aurait désormais Porto-Ferrajo comme port d’attache.
    Campbell n’avait d’ailleurs pas compris grand-chose au génie de l’Empereur.
    — Les talents de Napoléon, dira-t-il avec suffisance à lord Holland abasourdi, ne me paraissaient pas supérieurs à ceux qu’on demanderait à un sous-préfet !
    Le colonel avait cru sans sourciller cette confidence que Napoléon lui avait faite au mois de septembre 1814, alors que l’Anglais revenait d’une randonnée amoureuse à Lucques :
    — Je n’existe plus pour le monde. Je vous l’ai dit et je le répète, je suis un homme mort. Je ne m’occupe plus que de ma famille et de ma retraite, de ma maison, de mes vaches et de mes mulets !
    Assurément, les soucis du colonel auraient été bien apaisés s’il avait pu, comme nous, se pencher sur les ordres que le proscrit lançait alors. Durant les derniers mois de sa royauté elboise, l’empereur dirige toujours l’économie de l’île avec la même minutie qu’il mettait à gouverner le vaste empire. En ce début de l’année 1815, de multiples-activités l’agitent : il interdit aux chèvres l’accès de l’île de la Pianosa, met en soumission, la veille de son départ, les vieux fers de ses chevaux. Tout en préparant les bals du Carnaval, le 14 février, il organise la vente de sa biscotterie et, le 22, il décide que « le même individu » cumulerait désormais les fonctions de contrôleur et de garde-magasin de ses salines.
    Comment un homme si absorbé par ses chèvres, son sel et ses biscuits pouvait-il songer à envahir l’Europe !
    Cependant l’optimisme du colonel Campbell allait se trouver quelque peu ébranlé lors de son arrivée à Livourne le 17 février où, comme d’habitude, avant de mettre le cap sur Florence et ses amours, il rencontra le consul de France, le chevalier Mariotti, anti-bonapartiste ardent – sentiment inattendu chez un Corse, nommé de surcroît par l’Empereur l’un des premiers officiers de la Légion d’honneur...
    Dès le mois de septembre 1814, Mariotti avait proposé à Talleyrand de devenir l’âme d’un complot destiné à enlever Napoléon, lors d’un de ses voyages à la Pianosa, pour le transférer – captif – dans la prison du Masque de’ Fer à l’île Sainte-Marguerite... Mariotti entretenait dans l’île un informateur fort adroit, un marchand d’huile – on ne le connaît que sous ce vocable – qui se montrait infiniment moins crédule que le colonel, son « collègue » en espionnage. Il rapportait ce fait précis : Napoléon aurait fait à quelques grognards des allusions inquiétantes à un changement :
    — Patientez ! Nous passerons ce peu de jours d’hiver le moins mal que nous pourrons. Puis nous songerons à passer le printemps d’une autre façon.
    D’après le marchand d’huile, l’Empereur envisageait de débarquer en Italie et de tendre la main à Murat demeuré sur son trône. Campbell avait aussitôt transmis l’information à son ministre, en ajoutant : « Je n’en persiste pas moins dans mon opinion que si

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