Napoléon
hôtel César et du Parc – le comte d’Artois n’a pu rassembler à Lyon que trois régiments et mille cinq cents gardes nationaux. Les trente mille hommes promis par Soult n’ont pas encore rejoint...
— Cette affaire-ci ne saurait être longue, déclare le duc d’Orléans. Il me semble qu’il ne nous reste d’autre chose à faire que d’emmener les troupes et de nous replier.
C’est le parti le plus sage. Monsieur donne des ordres en conséquence, lorsque survient le maréchal Mac-Donald, duc de Tarente. Un peu d’espoir anime la poignée de royalistes. Celui qui fut le héros de Wagram promet au comte d’Artois de parler « leur langue » aux troupes.
Le lendemain – 10 mars –, une pluie diluvienne n’empêche pas le maréchal de tenir sa promesse. Place Bellecour, devant les régiments rangés en carré, il achève son discours par ces mots :
— La seule garantie que je vous demande est de crier Vive le Roi !
Pas une seule voix ne répond à la sienne. On n’entend que la pluie qui crépite. Le futur Charles X survient. Ses ambitions sont plus modestes. Un seul cri prononcé par un seul homme suffirait à son bonheur. Il s’approche d’un vieux dragon, « lui parle avec bonté, le loue de son courage dont il porte la preuve sur sa poitrine... » puis il lui propose de crier avec lui Vive le Roi ! « Les yeux fixes, la bouche béante », le dragon reste « immobile et impassible ». Macdonald, le colonel du 13 e Dragon, les officiers « crient, l’exhortent, le pressent »... mais sans succès. L’homme reste « inébranlable ».
La scène prend un aspect franchement ridicule. « Rouge de colère », Artois rentre à l’Archevêché. La foule ne le salue même pas. Les Lyonnais sont bien massés le long du Rhône, mais c’est pour attendre Napoléon qui, dit-on, est déjà aux portes de la ville. Il est onze heures du matin. Le frère du roi n’a plus qu’à partir et suivre l’exemple de son cousin Orléans qui, depuis deux bonnes heures déjà, a repris la route de Paris. Tandis que Monsieur monte en berline, Macdonald essaye de défendre Lyon. Il envoie tout d’abord quelques dragons en reconnaissance...
Bientôt les cavaliers reviennent.
— Qu’ont-ils vu ? demande Macdonald à son aide de camp.
— L’avant-garde de Napoléon.
— Est-elle éloignée ?
— Elle va entrer dans le faubourg de la Guillotière.
— Que s’est-il passé ?
— Les deux reconnaissances ont bu ensemble !
C’est seulement après avoir vu lui-même les shakos du 4 e Hussards, avant-garde de l’empereur, que Macdonald saute à cheval. Après une longue et folle course, poursuivi par les hussards impériaux, il réussira à rattraper la voiture du frère du roi. Il était temps ! Le maréchal se trouvait entamé, selon son expression, par le galop un peu trop sec de son coursier : il ne pouvait plus tenir en selle !
Napoléon s’est installé à Lyon à l’Archevêché, dans les appartements que lui a laissés le comte d’Artois et, durant trois jours, reprend sa vie de souverain. Il reçoit les corps constitués, prépare des décrets et écrit à sa femme : « Mon avant-garde est à Chalon-sur-Saône, je pars cette nuit pour la rejoindre. Les peuples courent en foule au-devant de moi ; des régiments entiers quittent tout pour me rejoindre... Je serai, quand tu recevras cette lettre, à Paris... Viens me rejoindre avec mon fils. J’espère t’embrasser avant la fin du mois. »
Ces lignes ne sont pas remises à l’Impératrice, mais portées au Congrès où les ministres alliés essayent « d’interpréter une griffe que personne ne pouvait lire ». Chacun déchiffre un mot... et bientôt tous les ministres ont devant les yeux la tragique certitude de voir l’Empereur installé à Paris ! Quelques jours auparavant, Talleyrand a pu faire approuver par ses collègues un texte effrayant qu’on ne peut lire sans éprouver un sentiment de malaise. L’évasion de Bonaparte s’y trouvait peinte comme « un attentat contre l’ordre social ». La déclaration précisait : « En revenant en France avec des projets de trouble et de bouleversement, il s’est privé lui-même de la protection des lois et a manifesté à la face de l’univers, qu’il ne saurait y avoir avec lui ni paix ni trêve... »
Pour terminer, on mettait l’évadé criminel hors la loi : « Les Puissances déclarent en conséquence que Napoléon Bonaparte s’est
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