Napoléon
mille militaires en congé. Dans le Cher, six hommes seulement se présentent ! Le gouvernement est un peu plus heureux avec les volontaires... Les femmes ont déclaré « qu’elles ne recevraient plus dans leurs salons les jeunes gens qui ne se seraient pas engagés ».
— Et continueront-elles à les recevoir dans leur chambre ? demanda quelqu’un.
De très jeunes gens royalistes ont, les premiers, répondu à l’appel.
— Ce sont des marmots incapables de tenir un fusil, constate avec découragement le gouverneur de Vincennes.
On tombe d’un excès dans l’autre et l’on crée « La Compagnie des Gardes du roi », composée d’officiers de vaisseau en retraite qui ont, à leur tête, « une douzaine de vieux amiraux couverts de blessures, échappés au désastre de Quiberon » ! Et, un matin, en arrivant aux Tuileries, Macdonald rencontre « une cinquantaine de vieillards armés de fusils et de hallebardes, la plupart en uniforme d’officier général, marchant deux par deux et venant offrir leurs services ».
Le mercredi 15, Napoléon passe la nuit à Autun. Tandis qu’il dort à l’hôtel de Saint-Louis et de la Poste, rue de l’Arbalète – sa chambre est demeurée intacte –, aux Tuileries, les projets les plus extravagants sont agités. Chaque soir, Marmont va trouver le roi. Son abandon de 1814 le hante ; aussi veut-il combattre l’Empereur par tous les moyens. Selon lui, une seule solution : transformer le château en redoute.
— Il faut disposer le palais de manière à exiger qu’une batterie de pièces de gros calibre soit nécessaire pour le démolir.
On mettrait Louis XVIII et son fauteuil au coeur de cette forteresse et l’on s’y enfermerait avec deux mois de vivres et trois mille hommes de la Maison du roi, des soldats d’opérette peut-être, mais qui seraient « excellents pour cet objet », affirmait le maréchal. Quant aux autres membres de la famille royale, le duc de Raguse les expédiait, cavalièrement, chacun dans une direction différente. Et si le roi recevait sur la tête un projectile tiré par « une pièce de gros calibre » ? Marmont envisageait le cas avec entrain :
— Sire, votre frère, vos neveux, vos cousins sont dehors... Vous mort, vos droits et vos titres passent à un autre !
Louis XVIII préfère garder ses droits pour lui ! Va-t-il suivre le plan délirant élaboré par Blacas ? D’après le favori, le roi, à l’approche du « tigre » devrait monter en calèche découverte, en compagnie de son premier gentilhomme de la Chambre. Derrière la voiture, les pairs et les députés suivraient à cheval..., tant bien que mal, car certains n’avaient pas fait d’équitation depuis le règne de Louis XVI ! « Tout ce cortège se serait avancé au-devant de l’Empereur pour lui demander ce qu’il venait faire. Embarrassé de répondre, M. de Buonaparte se serait retiré. »
Vitrolles, très pince-sans-rire, propose de faire précéder la procession par l’archevêque de Paris portant le Saint-Sacrement, « comme saint Martin allant au-devant du roi des Wisigoths ».
— Par quelle barrière comptez-vous sortir ? demande le secrétaire d’État.
— La barrière d’Italie ou celle de Fontainebleau.
« Je les assurai qu’ils n’y rencontreraient point l’Empereur ; qu’il ne gênerait point leur pompeuse promenade par sa présence ; qu’il entrerait par la barrière du Trône, qu’il irait tranquillement s’installer aux Tuileries, et que le roi et les deux Chambres coucheraient probablement cette nuit-là à la belle étoile. »
Vitrolles suggère alors un départ pour la Vendée où l’on résisterait... Mais Louis XVIII, qui ne possède plus les jambes pour « chouanner », se rallie à un projet plus paisible : une séance royale à la Chambre. On sait – alors que l’Empereur atteint Avallon – ce que fut, le jeudi 16 mars, le discours du roi. Aux proclamations de l’Empereur, claquantes comme un drapeau, le vieux roi répond par des paroles pleines de bon sens et de vérité :
— Je ne crains rien pour moi, mais je crains pour la France. Celui qui vient allumer les torches de la guerre civile y apporte aussi le fléau de la guerre étrangère ; il veut mettre notre patrie sous son poing de fer... Il vient enfin détruire cette charte constitutionnelle que je vous ai donnée, cette charte, mon plus beau titre de gloire aux yeux de la postérité, cette charte que tous les
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