Napoléon
le corps de Bulow sera entièrement détruit.
Il est déjà une heure et demie.
Quel est le plan de bataille de l’Empereur ? Nous le savons par une note dictée ce matin-là et destinée à Soult :
« Une fois que toute l’armée sera rangée en bataille, à peu près à une heure après-midi, au moment où l’Empereur en donnera l’ordre au maréchal Ney, l’attaque commencera pour s’emparer du village de Mont-Saint-Jean, où est l’intersection des routes (de Nivelles et de Charleroi). À cet effet, les batteries de 12 du 2 e corps et du 6 e se réuniront à celle du 1 er corps. Ces 24 bouches à feu tireront sur les troupes de Mont Saint-Jean, et le comte d’Erlon commencera l’attaque en portant en avant sa division de gauche et en la soutenant, suivant les circonstances, par les autres divisions du 1 er corps. Le 2 e corps s’avancera pour garder la hauteur du comte d’Erlon. Les compagnies de sapeurs du 1 er corps seront prêtes pour se barricader sur-le-champ à Mont Saint-Jean. »
Suivant à la lettre le début de cet ordre, l’artillerie impériale ouvre le feu sur Mont Saint-Jean. Puis l’infanterie de Drouet d’Erlon part à l’assaut et réussit à prendre pied sur le chemin d’Ohain et à atteindre la crête couverte de seigle et de blé. Anglais et Écossais, à l’abri derrière les murs de la ferme de la Haye-Sainte, parviennent, par leur tir précis, à briser l’élan des impériaux. Voyant la ligne française hésiter, Wellington lance contre elle les dragons écossais – Drouet d’Erlon ayant commis l’erreur de ne pas protéger ses flancs – et les fameux Écossais gris pénètrent sans difficulté dans les rangs français. Les bataillons refluent en déroute. Les cavaliers foncent, arrivent devant les batteries, sabrent les canonniers, renversent les pièces, dispersent les attelages, puis, poursuivant « leur course effrénée », traversent toute la ligne de bataille française et ne s’arrêtent que devant la grosse cavalerie impériale – les gros talons.
Il faut que Napoléon intervienne pour briser la percée ennemie.
Tout est à recommencer. Et on a perdu quatre mille hommes...
Pendant ce temps, à Walhain, au nord de Gembloux, Grouchy – il achève de manger un plat de fraises sous le kiosque vert du notaire Hollërt – a entendu la canonnade marquant le début de la bataille... Mais il n’en a pas moins poursuivi son déjeuner paisiblement, en attendant de reprendre sa marche sur Wavre.
Ce matin du 18, de Gembloux, à 10 heures, il avait d’ailleurs écrit à Napoléon : « Ce soir, je vais être massé à Wavre et me trouver ainsi entre Wellington, que je présume en retraite devant Votre Majesté, et l’armée prussienne. J’ai besoin d’instructions ultérieures sur ce que Votre Majesté désire que je fasse. Le pays entre Wavre et la plaine de la Chyse est difficile, coupé et en partie marécageux. J’arriverai facilement à Bruxelles avant tout ce qui sera arrêté à la Chyse... Daignez, Sire, me transmettre vos ordres ; je puis les recevoir avant de commencer mon mouvement de demain. »
Vers deux heures, pourtant, le général Gérard déclare à Grouchy :
— M. le Maréchal, il faut marcher au canon.
— Il faut marcher à l’Empereur ! répète un autre officier.
Grouchy, vexé – il l’avouera lui-même –, explique à ses divisionnaires :
— L’Empereur m’a annoncé hier que son intention était d’attaquer l’armée anglaise, si Wellington acceptait la bataille. Donc, je ne suis nullement surpris de l’engagement qui a lieu en ce moment. Si l’Empereur avait voulu que j’y prisse part il ne m’aurait pas éloigné de lui au moment même où il se portait contre les Anglais. D’ailleurs, en prenant de mauvais chemins de traverse, détrempés par la pluie d’hier et de ce matin, je n’arriverais pas en temps utile sur le lieu du combat.
C’est seulement vers trois heures et demie ou quatre heures de l’après-midi que Grouchy reçoit une lettre de Soult écrite à dix heures du matin de la ferme du Gros-Caillou et portée par le commandant Zenowicz – le Polonais s’étant quelque peu égaré. Le billet – il faut le supposer – n’était certainement pas un appel au secours puisque l’ayant lu, Grouchy déclara « qu’il se félicitait d’avoir si bien rempli les instructions de l’Empereur en marchant sur Wavre au lieu d’écouter les conseils du général Gérard ».
Cependant
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