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Napoléon

Napoléon

Titel: Napoléon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Castelot
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tout l’Orient.
    Il n’existe aucun port, aucune jetée, simplement un misérable débarcadère qui subsiste toujours : quelques marches glissantes taillées dans le roc et qui conduisent à un quai bordé de figuiers. Napoléon devra suivre ce quai jusqu’à la porte percée dans le rempart, une poterne qui n’est plus aujourd’hui utilisée et qui permettait, comme l’entrée principale, de pénétrer dans le bourg en traversant l’enceinte crénelée. Cette « capitale » ne possède que deux ou trois « rues » bordées de maisons style colonial , dont certaines ont conservé de nos jours un certain charme désuet.
    Ce dimanche, l’Empereur demeurera encore captif dans sa prison de planches. Il en sera de même le lendemain, lundi, tandis que l’amiral Cockburn et le gouverneur de l’île – le colonel Wilks – arpentent le rocher à la recherche d’une résidence « pour le général et sa famille ». L’amiral revient enfin à bord annonçant, presque joyeux, qu’il a trouvé sur les hauteurs « une fort jolie habitation » et que, en attendant qu’elle soit aménagée, tout le monde logerait chez le sieur William Porteous, lequel tient une sorte de maison meublée située dans Jamestown même, en bordure du jardin public {58} .

    Dans l’île, depuis l’arrivée du Northumberland, règne l’effervescence. On ignore l’opinion des douze cent dix-huit esclaves noirs et des quatre cents Hindous, Malais et Chinois – ces derniers, dont les noms semblent imprononçables, sont désignés par des numéros –, mais une grande partie des trois mille Blancs demeurant dans l’île, aussi excités que peuvent l’être des Britanniques, encombre le quai et l’unique rue de Jamestown.
    Depuis le 10 octobre, date où l’Icarus avait jeté l’ancre devant l’île, la tension est montée d’autant plus que le brick a apporté la nouvelle de la victoire de Waterloo, ainsi que l’extraordinaire et imminente arrivée de Napoléon ! Tous regardent l’escadre qui, maintenant presque complète, entoure le Northumberland. La présence dans le port de celui qui a été le maître de l’Europe est le sujet de toutes les conversations. La plus exaltée est peut-être une ravissante petite fille de quatorze ans – qui en paraît d’ailleurs dix-huit. Blonde, espiègle, ensorceleuse, elle a un regard bleu de chat... un regard qui, le soir du 17 octobre, semble quelque peu inquiet. Durant longtemps, elle s’était imaginé Napoléon comme « un grand ogre, un géant avec un oeil rouge, flamboyant, au milieu du front et de longues dents en saillie ». De sa mâchoire, le monstre se plaisait à déchiqueter les petites filles espiègles, celles surtout qui n’apprenaient pas leurs leçons. « En grandissant, dira-t-elle, mes idées s’étaient modifiées, sans doute, mais ma terreur, quoique plus raisonnable, subsistait. Dans mon esprit, le nom de Bonaparte s’associait à toutes les scélératesses et à toutes les horreurs... tant de crimes affreux, que, bien qu’ayant fini par le regarder comme un être humain, je le considérais toujours comme le pire des hommes. »
    Elle se nomme Betsy et est la fille de William Balcombe, surintendant des ventes publiques pour la Compagnie des Indes Orientales et chargé du ravitaillement des bateaux venant jeter l’ancre à Sainte-Hélène. Toute la famille Balcombe décide d’aller assister au débarquement du prisonnier et quitte sa demeure des Briars pour se rendre sur le quai, au pied du rempart. « Il faisait presque nuit, racontera Betsy quand, ayant gagné le port, nous vîmes un canot du Northumberland accoster au rivage. Un personnage en sortit qu’on nous dit être Napoléon. L’obscurité empêchait de bien distinguer ses traits. Il passa, avec l’amiral Cockburn et le général Bertrand, entre les soldats qui faisaient la haie. Son manteau me permit seulement d’apercevoir l’éclat furtif d’une étoile de diamants. La foule devint si gênante qu’on dut l’ouvrir devant l’Empereur, puis l’empêcher de s’engouffrer derrière lui sous la poterne de la ville. Napoléon fut fort mécontent de ces marques de curiosité, d’autant plus que l’accueil du populaire resta froid, quoique respectueux. Je l’entendis dire, plus tard, qu’il avait été révolté de se voir suivre et regarder « comme une bête féroce ». En rentrant aux Briars, nous ne parlâmes que de lui et il hanta nos rêves. »
    Pendant ce temps,

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