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Napoléon

Napoléon

Titel: Napoléon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Castelot
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ordonne-t-il que désormais il ne sera plus livré journellement – pour dix maîtres et vingt domestiques – que soixante-quinze livres de boeuf et de mouton, sept poulets, et, en outre, par mois, vingt-deux rôtis, neuf jambons, neuf langues salées, quarante-cinq livres de lard, sans parler des légumes, des produits d’épicerie et de laiterie. Enfin, chaque mois, on apportera à Longwood deux cent dix bouteilles de vin de Bordeaux, vingt-six de vin de Champagne, vingt-trois de vin de Madère, soixante de vin de Graves, onze de vin de Constance. Les domestiques recevront une bouteille de vin plus ordinaire par jour. Ce n’est tout de même pas un régime de misère ! Mais les prisonniers crient famine !
    Par ailleurs, le gouverneur ayant demandé qu’on veuille bien lui rendre les bouteilles vides – le vin vient du Cap et l’approvisionnement n’est guère aisé – les domestiques s’empressent de les casser. Et le monceau de verres brisés, placé ostensiblement devant les communs de Longwood, perce le coeur du Gouverneur jusqu’à l’âme... Lowe essaye d’économiser en prenant des mesures que les captifs vont exploiter savamment et qui donneront bientôt à Napoléon l’occasion d’ordonner la vente spectaculaire de son argenterie pour, affirme-t-il-, « subvenir à ses besoins ».
    Le gaspillage fait l’objet d’une discussion violente entre Bertrand et le gouverneur, si violente que le grand-maréchal déclare ne plus vouloir entamer ce sujet avec sir Hudson. Deux jours plus tard, le dimanche 18 août, l’Anglais se précipite à Longwood pour se plaindre. La scène – capitale pour l’histoire de la Captivité – va se dérouler dans le jardin qui n’a pas encore pris l’aspect que nous lui voyons aujourd’hui : une allée circulaire entourait simplement un parterre, un chemin permettant de tourner en rond, tout en bavardant. L’amiral Malcolm, qui commande les forces maritimes de l’île, est présent :
    — Eh bien, explique l’Empereur, le grand-maréchal Bertrand ne veut pas avoir de rapports avec vous, c’est tout simple. Il a été grand officier de la Couronne, il a commandé des armées, il s’est battu à la tête de son corps d’armée contre l’armée où vous étiez vous-même à la suite de l’état-major comme colonel. Vous lui écrivez, vous lui parlez, non pas comme à un caporal de braves troupes régulières, mais comme aux caporaux des soldats corses que vous commandiez, qui étaient tous des déserteurs et des traîtres à leur pays. Il s’en est offensé et il ne veut plus avoir de relations avec vous. Personne au reste ne veut vous voir. Chacun vous fuit. Il n’y a pas un de ces messieurs qui, s’il avait le choix de passer quatre jours au pain et à l’eau sans sortir de sa chambre, ne préférerait cela à avoir un entretien avec vous.
    Lowe essaye de ramener le problème à des dimensions moins vastes et reparle des dépenses ménagères, mais Napoléon est lancé :
    — Vous me connaissez bien peu. Mon corps est aux méchants, mais mon âme est indépendante. Elle est aussi fière ici que si j’étais à la tête de six cent mille hommes et que si j’étais sur mon trône, faisant des rois et distribuant des couronnes. Vous me parlez toujours de vos instructions. Il n’y en a point qui vous obligent à faire ce que vous faites. Et d’ailleurs, ce n’est pas une excuse. J’ai gouverné et je sais qu’il y a des missions et des instructions qu’on ne donne qu’à des hommes déshonorés.
    — Vous me flétrissez aux yeux de l’Europe, formule sir Hudson. Je ne mérite pas cela. J’ai des instructions qui me...
    — Mais le bourreau aussi a ses instructions, interrompt le prisonnier. Il les exécute, c’est tout simple. Du moins, on n’exige pas qu’on vive avec lui. Vous avez vos instructions, exécutez-les et laissez-moi tranquille. Si vous ne voulez pas nous donner à manger, ne le faites pas. Tant que nous serons voisins du 53 e , il ne nous laissera pas mourir de faim.
    — Tout cela heureusement glisse sur moi.
    — Sans doute, le bourreau rit du cri de ses victimes !
    Telle est la scène racontée par Bertrand, qui y assista – de loin – et l’écrivit d’après le récit que lui fit l’Empereur. Aussi me paraît-il juste de donner la parole à Hudson Lowe. Selon lui, le drame débute par un long silence, si prolongé « que je crus, écrit-il à lord Bathurst, qu’il avait résolu de ne point parler du

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