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Napoléon

Napoléon

Titel: Napoléon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Castelot
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fait sans presque remuer. »
    « On a peine à concevoir, renchérit son collègue autrichien – M. de Stürmer – comment les ministres anglais ont pu s’infatuer d’un tel homme. S’il ne fallait qu’un simple geôlier, rien n’était plus aisé à trouver. Mais si la nation britannique attache quelque prix au jugement de l’Histoire, on ne pouvait faire de plus mauvais choix. »
    Assurément, Lowe « manquait d’éducation et de jugement », ainsi que l’a remarqué Wellington qui ajoutait encore : « C’était un imbécile ». Peut-être fallait-il être quelque peu borné, avoir au surplus tout du sous-ordre respectueux du règlement et friand de paperasserie, pour n’avoir pas le courage de dire à son chef, lord Bathurst, ministre de la Guerre et des Colonies, que ses consignes étaient difficilement applicables.
    Désormais, il ne se passera pas une semaine sans que le geôlier martyrise son prisonnier : les limites où Napoléon pouvait se promener sans être suivi d’un Anglais seront réduites d’un tiers ; l’officier d’ordonnance britannique devra s’assurer de la présence du « général » deux fois par jour. Lord Bathurst l’exigeait « formellement ». Il ne se passera pas non plus de semaine sans que le prisonnier fasse tout pour être martyrisé.
    — L’oppression et l’insulte ajoutent à ma renommée. C’est à l’Angleterre que je devrai le rayonnement de ma gloire.
    Le proscrit tiendra parole. Plus jamais il ne recevra sir Hudson Lowe. Lorsque le Gouverneur se présentera à Longwood, le proscrit le suivra des yeux, l’oeil fixé à sa lunette d’Austerlitz, à travers les trous pratiqués dans les deux volets de l’antichambre qui se font face – ces trous qui existent toujours et que l’on ne peut voir sans émotion...
    Le soir où le gouverneur reverra l’Empereur, Napoléon sera étendu sur son lit de mort, ce petit lit de fer qui l’avait suivi durant toutes ses campagnes... et ce soir-là on entendra le gouverneur murmurer :
    — Hé bien, Messieurs, c’était le plus grand ennemi de l’Angleterre et le mien aussi ; mais je lui pardonne tout. À la mort d’un si grand homme on ne doit éprouver qu’une profonde douleur et de profonds regrets.
    En prononçant ces paroles, sir Hudson croyait assurément faire preuve de grandeur d’âme. Wellington avait raison : le geôlier de l’Empereur fut surtout un imbécile.

XXXII
 
LES ABANDONS
    L’homme n’a point d’amis : c’est son bonheur qui en a.
    N APOLÉON .
    L’Angleterre prit l’Aigle et l’Autriche l’Aiglon. À Vienne, le petit prisonnier de la politique continue à penser à son père. Nous le savons par les archives récemment découvertes de Marie-Louise {61} , celui qui n’était plus qu’un prince sans nom interrogeait sans cesse ses précepteurs sur son père :
    — Il y avait un empereur en France, j’en suis sûr ; quel était cet empereur ?
    — Mon prince, c’était votre cher papa, qui a perdu sa couronne et son empire à cause de son malheureux penchant pour la guerre.
    Il semble que l’on entende sa voix implorante demander :
    — Est-ce que mon cher papa, ayant fait tant de mal, est un criminel ?
    Inlassablement, l’enfant cherche à reconstruire ce passé dont quelques souvenirs dorés demeurent noyés dans son esprit :
    — Pourquoi m’a-t-on appelé autrefois le roi de Rome ?
    — C’était au temps où la domination de votre père s’étendait jusque-là.
    Il se lance :
    — Où se trouve mon père ?
    — Je ne peux vous le dire.
    — Les dames françaises m’ont dit un jour qu’il avait été en Angleterre et qu’il s’en était échappé.
    — C’est une erreur, d’ailleurs vous savez bien, Altesse, que souvent vous comprenez mal le français.
    — Oui, certainement.
    — Je puis vous assurer sur l’honneur que votre père n’a pas été en Angleterre.
    — Je crois aussi avoir entendu dire qu’il est dans la misère.
    — Dans la misère ?
    — Oui.
    — Comment cela serait-il possible et même vraisemblable ?
    — En effet, ce n’est pas possible.
    Il semble délivré d’un grand poids. Devant lui, on a prononcé le nom de Sainte-Hélène, or la misère se dit : Elend en allemand...
    L’Empereur s’imagine que son fils l’a oublié. Un jour que Gourgaud lui a apporté – un 15 août – un bouquet pour son anniversaire « de la part du roi de Rome », il hausse les épaules :
    — Bah ! le

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