Napoléon
n’as pas encore terminé ce mur ?... As-tu assez de gazon pour le finir ?
— Oui, Sire.
« Puis, revenant de mon côté :
— Quelle heure était-il lorsque je t’ai éveillé cette nuit ?
— Sire, il était deux heures.
— Ah !
« Et peu après, il me demandait :
— Montholon est-il éveillé ?
— Je n’en sais rien, Sire.
— Va voir. Surtout, ne le réveille pas, laisse-le dormir.
« Se dirigeant ensuite vers Noverraz qui piochait :
— Allons, ferme ! (en appuyant sur le mot). Ah ! paresseux ! qu’est-ce que tu as fait depuis ce matin ?
— Hier, Votre Majesté m’avait dit de faire goudronner la baignoire ; n’ayant trouvé personne de bonne volonté, j’ai fait moi-même la besogne...
— Sire, voilà Monsieur de Montholon.
— Ah ! bonjour, Montholon.
« M. de Montholon s’inclinant respectueusement :
— Comment se porte Votre Majesté ?
— Assez bien. Est-ce qu’on vous a dérangé ?
— Non Sire, j’étais hors du lit quand on est venu chez moi.
— Votre Excellence a-t-elle quelque chose à m’apprendre ? On dit qu’il y a un bâtiment en vue.
— Je ne sais pas, Sire ; je n’ai encore vu personne.
— Prenez ma lunette, allez voir si on l’aperçoit.
« M. de Montholon revenait quelques instants après et rendait compte à l’Empereur de ce qu’il avait vu. Enfin la conversation s’engageait entre eux. L’Empereur allait çà et là en se promenant et revenait de temps à autre voir ses travailleurs. C’est ainsi qu’il attendait l’heure de son déjeuner. Lorsqu’il sentait la faim, il demandait l’heure et, si on lui répondait qu’il était assez près de dix heures, il ordonnait qu’on le servît. C’était assez ordinairement dans sa chambre qu’on le servait. Alors l’Empereur laissait ses travailleurs et allait se mettre à table. Ceux qui devaient le servir quittaient leurs outils, allaient se laver la figure et les mains et se rendaient auprès de lui. M. de Montholon, comme je l’ai dit ailleurs, mangeait avec l’Empereur, et, si le grand-maréchal se trouvait là, il était invité.
« Le déjeuner fini, l’Empereur retournait vers ses travailleurs avec lesquels il restait jusqu’à midi – ou seulement jusqu’à onze heures si le soleil était par trop ardent – et, en les quittant, il leur disait :
— Allez déjeuner. C’est assez pour aujourd’hui : il fait trop chaud.
« L’Empereur, rentré chez lui, où il était suivi de l’un de ses valets de chambre, se débarrassait de sa robe de chambre, ou de sa veste, de son pantalon et se mettait dans son lit. S’il restait habillé, il se mettait sur son canapé ou à son bureau. Si, s’étant couché, il ne se sentait point l’envie de dormir, il faisait appeler Marchand, pour que celui-ci lui fît la lecture ».
Ne voit-on pas la scène ?...
Au milieu de l’un des parterres, au pied de deux orangers, Napoléon fait placer un petit bassin de bois et un maigre jet d’eau. Parfois, le soir, il s’exclamait :
— Allons faire jouer les eaux !
Ali tournait le robinet et, le bassin rempli, l’eau coulait dans les rigoles – elles sont toujours là... – où l’Empereur la regardait descendre et arriver jusqu’à lui. Il riait... mais le jeu s’arrêtait vite lorsqu’il n’y avait plus d’eau dans le réservoir. Alors il soupirait, rentrait chez lui, se souvenant peut-être des grandes eaux de Fontainebleau où de Saint-Cloud...
Et puis – presque brusquement – la fatigue retombait sur ses épaules, l’obligeant à regagner -sa maison en soupirant-j
— L’air me fait mal...
Lowe essayait – maladroitement – d’être aimable. Il envoyait à Longwood des graines, des plantes, des meubles de jardin et mandait que si « le général Buonaparte désirait telles plantes du Cap ou de quelque colonie anglaise, on s’empresserait de les lui envoyer ». Les limites où le prisonnier pouvait se promener sans gardien furent agrandies. L’Empereur avait désormais la possibilité de faire ses promenades dans près d’un quart de l’île. Avec l’espoir que Napoléon reprendrait ses randonnées, le gouverneur achetait quatre chevaux au Cap. La vieille calèche avait fort souffert par les mauvais chemins : il envoie à Longwood le phaéton de son adjoint Reade, afin que, chaque jour « le général » puisse se faire conduire vers un bois de « gommiers, sa promenade favorite. Napoléon est
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