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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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plâtre grisâtre d’autrefois,
mais le porche qui donnait dans la cour n’avait pas été modifié, et il semblait
à Antoine qu’il allait voir sortir un homme, si jeune – lui – portant
sa mère jusqu’au fiacre qui la conduirait à l’hôpital.
     
    Giovanna prenait le bras de son mari. Elle savait qu’il
fallait qu’elle s’appuie contre Antoine, qu’elle ne dise rien, qu’elle marche
lentement pour qu’il puisse s’éloigner sans trop souffrir de cette maison où il
était né, où maintenant habitait Edmond qui avait toute la vie à parcourir.
Eux, il leur restait à retourner au Vallon de la Madeleine, dans l’appartement
qu’Antoine avait repeint l’été dernier, où ils pouvaient croire, parce qu’ils n’avaient
jamais changé les meubles depuis leur mariage, que le temps n’avait pas passé,
qu’Edmond allait pousser la porte de sa chambre, courir vers Rafaele Sori, ou
bien descendre jouer avec Roland qui venait souvent les voir, seul, à
bicyclette.
    — J’y viens demain, disait Antoine en désignant le
chantier, en reprenant le bras de Giovanna.
    Ils se dirigeaient vers la Tour Rouge, les rochers du Cap de
Nice, avant de regagner le port où ils prendraient le trolleybus pour la Madeleine.
    Ils s’asseyaient au fond pour être seuls et parfois ils
descendaient à Magnan, remontaient à pied le Vallon en se tenant toujours par
le bras. Un voisin lançait :
    — Les amoureux, on rentre ?
    Ils s’arrêtaient devant la maison des Morini, s’installaient
sous la tonnelle.
    — Et le fils ? demandait Antoine.
    — Avec ces événements (Morini servait un verre de vin,
secouant la tête) on a plus de lettres, de Gaulle, avec lui, qui sait, on saura
peut-être où on va. Ils seront bien obligés de l’écouter lui, les Arabes et les
colons, tout le monde, non ?
    Antoine ne répondait pas. Plus de politique. Pour ce à quoi
ça sert. Deux ou trois fois dans la vie il avait cru, juste après l’autre
guerre, quand Dante rentrait, au moment du Front Populaire, et bien sûr, à la
Libération quand… Mais maintenant, à quoi ça sert de parler ?
    Dante, lui, continuait, Staline un saint, Staline un fou,
les tanks russes qui parcouraient Budapest, les morts qu’on réhabilitait, et il
rêvait toujours.
    — Tu vois, expliquait-il à Antoine, c’est seulement
plus long qu’on croyait, plus difficile. L’homme, ça se change pas comme ça. On
est là depuis deux millions d’années et la révolution, c’est en 17. En quarante
ans, c’est déjà un miracle ce qui s’est passé.
    — Qu’est-ce que tu en dis ? demandait Morini. De
Gaulle, il peut finir la guerre, non ?
    Antoine Revelli haussait les épaules.
    — On verra, ils nous demandent pas notre avis, alors ?
     
    Le soir, cependant que Giovanna repassait, Antoine avait
écouté les nouvelles. Salan, Massu, Vive de Gaulle, Vive la République,
Algérie Française, et tutti quanti.
    — Tu crois qu’ils vont se battre ? commençait
Giovanna.
    — Mais non, pour qui, contre qui ? Il y aura une
petite mise en scène, chacun sauvera ses meubles. Et les ouvriers, comme d’habitude,
dans le baba.
    Il avait arrêté la radio et fumé lentement, accoudé à la
fenêtre. Le vert des feuilles neuves était vif, la nuit à venir lente. Le linge
pendu aux fenêtres se balançait à peine et jusqu’aux voix d’ordinaire trop
fortes qui paraissaient douces.
    Antoine se tournait vers Giovanna, s’approchait d’elle, la
prenait par l’épaule.
    — Ça va ? demandait-il.
    Elle souriait, elle disait :
    — Il fait bon. Mai, c’est le meilleur mois. À Turin,
avec mes frères, on descendait au bord du fleuve, le courant, en mai, est si
rapide.
    Antoine débranchait le fer à repasser, obligeait Giovanna à
venir près de lui, à la fenêtre, et ils demeuraient ainsi tous les deux un long
moment.
    — Au fond, commençait Antoine la tête appuyée contre
ses bras croisés sur le rebord de la fenêtre, et Giovanna se laissait aller sur
les épaules de son mari, au fond, je suis le dernier ouvrier chez les Revelli.
Dante, c’est plus vraiment un ouvrier. Un gardien. Il va plus sur les chantiers
depuis des années. Edmond, on en a fait un commerçant. Les autres Revelli, des
patrons, et travailler chez eux, ça me dit rien, mais Beaufort…
    Beaufort, l’entrepreneur d’Antoine, l’avait convoqué au
milieu de la semaine :
    — Les gros, commençait-il en faisant signe à Antoine
qu’il pouvait s’asseoir,

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