No Angel
avoir l’habitude de ne pas se laisser marcher sur les pieds pour survivre et s’épanouir dans l’univers des motards.
Sur le terrain, les femmes ne sont pas très nombreuses – la proportion entre les hommes et les femmes se situe dans les environs d’un vingtième ; nous avons donc eu de la chance de faire la connaissance de JJ au moment où c’est arrivé. Le handicap principal de JJ était son absence quasi totale d’expérience, mais elle avait des tonnes de qualités. Elle était intelligente, ambitieuse, avait une attitude positive et avenante, ignorait la peur et savait se contrôler. Elle était aussi très jolie, ce qui n’était pas négligeable, parce que ce serait la première chose que les Hells Angels remarqueraient.
J’eus une conversation avec elle quelques heures avant le dîner. Il ne fallait pas que je débarque au restaurant en sa compagnie ; sa présence devait paraître le fruit du hasard. On décida qu’elle s’installerait au bar, où je la reconnaîtrais parce que nous étions autrefois sortis ensemble, que je lui ferais servir un verre et l’inviterais à nous rejoindre. Cette « rencontre imprévue » lui permettrait de s’éclipser quand elle le souhaiterait… Si elle se sentait mal à l’aise ou si j’estimais qu’elle perdait pied, elle s’en irait en prétendant qu’elle avait d’autres projets. Cela me fournissait en outre une bonne porte de sortie si elle ne plaisait pas à Smitty ou à Lydia.
Cela n’arriva pas.
Smitty la trouva immédiatement à son goût, d’abord à cause de sa beauté, puis en raison de sa personnalité. JJ était tout sourire et se chargeait de faire la conversation à Lydia. Je crois que Lydia, si elle avait pu, l’aurait emmenée à Bullhead le soir même.
Carlos et moi, on les informa que toutes les personnes présentes étaient des relations des Solos. L’équipe était expérimentée et professionnelle. Ses membres concentrèrent toute leur attention sur Smitty et Lydia. Tous dirent qu’ils étaient très honorés d’être assis à la même table qu’un Hells Angel influent, qui plus est le jour de son anniversaire.
Smitty savourait l’attention dont il faisait l’objet. Il nous raconta qu’il avait fait le Viêtnam, tué plein de métèques et qu’il avait une formation militaire très solide. À l’entendre, il était une combinaison mortelle de Ranger, de Marine et de Seal. Je pensai à Scott Varvil et, pendant un instant, Smitty ne me parut guère différent de cet infirmier scolaire minable avec son pistolet et sa passion pour les motos.
Mais une fois lancé, il parla de Laughlin et confia à voix basse qu’il haïssait plus que tout les Mongols. Il nous dit ce que nous savions déjà : qu’il avait été arrêté à Laughlin et serait probablement mis en examen pour meurtre, qu’il n’avait toujours pas récupéré son cher vieux blouson, lequel avait été saisi. Tout le monde manifesta sa stupeur, comme si saisir le blouson d’un Hells Angel n’était pas seulement déraisonnable, mais carrément non américain. Notre indignation lui fit plaisir.
À la fin de la soirée, je pris la serveuse à part, lui demandai d’apporter du gâteau pour tout le monde et de mettre une bougie sur la part qu’elle servirait au Hells Angel.
C’était un gâteau à la vanille avec un glaçage blanc et la bougie était rouge. À ce moment, JJ était assise entre Smitty et moi. Lydia était partie relativement tôt. Smitty sourit et souffla sa bougie. JJ empêcha le Hells Angel de prendre sa fourchette et la saisit. Elle coupa un morceau de gâteau et le porta à la bouche de Smitty. Il mastiqua, souriant du début à la fin. JJ lui fit manger quelques bouchées supplémentaires. Smitty dit :
— Merde, mon rêve se réalise.
Ce fut une bonne idée, bien exécutée, que je n’aurais pas espérée de la part d’une agente aussi jeune et inexpérimentée. JJ avait ça dans le sang.
Après le dessert, Smitty se pencha vers moi et me demanda si j’accepterais de récupérer de l’argent, pour son compte, à Bullhead. Je répondis que oui, pas de problème. Smitty me dit aussi qu’il avait un truc pour moi, quand nous serions rentrés, et fléchit l’index comme s’il tirait avec un pistolet. Je répondis que c’était cool, qu’il me connaissait. J’ajoutai qu’il était dommage qu’on ne se soit pas vus avant Dago, parce qu’on devait partir pour le Mexique, Carlos et moi, dans quelques jours. Je
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