No Angel
les Angels (pour expliquer notre absence, on mentit effrontément, en disant que nos obligations à l’égard du club nous obligeaient à voyager, à séjourner au Mexique ainsi qu’en Californie, et que Big Lou, mon contact à Vegas, m’avait invité à Miami, où je pourrais me reposer à bord de son yacht et pincer les fesses de South Beach).
Après avoir fait le point sur nos progrès, on dressa la liste des aspects positifs et des aspects négatifs, en vue d’analyser nos positions et nos objectifs.
L’aspect positif principal était que nous avions obtenu d’excellents résultats en une brève période. En six petits mois, nous nous étions implantés plus vite et plus profondément que nous n’avions d’abord cru possible de le faire. L’inconvénient était le flou de la situation. Nous étions passés si vite d’un jour au suivant – traversant parfois l’État, presque cinq cents kilomètres, dans la journée, toujours dans la peau de nos personnages – qu’il était difficile de déterminer ce que nous faisions. Nous étions ivres du danger et de l’adrénaline correspondante.
Cela nous conduisit à l’aspect négatif principal : nous courions sur place. Nous n’avions plus besoin d’acheter des armes à Doug ou à Hank. Nous n’avions plus besoin d’acheter de petites quantités de drogue par l’entremise de Bad Bob, ni de prouver que Smitty se comportait comme un gangster ou que Dennis, même s’il ne fabriquait plus de meth, disposait manifestement d’une source souple et régulière. J’en avais marre de ces affaires mineures, et Slats en avait marre de les traiter et de les présenter aux pontes. Il voulait les dealers, pas les consommateurs. C’était théoriquement une grosse affaire – c’en était effectivement une –, mais nous n’avions pas encore trouvé le moyen de la dénouer.
Notre frustration entraîna un début de divergence au sein de l’équipe. Slats estimait que nous ne sortions pas assez de la zone de confort {43} et je pensais personnellement qu’il était trop tôt pour en sortir. Il voulait que nous mettions tout le monde sous pression, tandis que je souhaitais consolider ma position afin de pouvoir le faire plus tard. Ce n’était pas grave, simplement une fissure dans la digue, par laquelle un peu d’eau commençait de s’écouler. Je gonflai la poitrine et, logiquement, Slats tint bon.
Je souhaitais exploiter la proposition des Angels, qui voulaient que nous devenions membres de leur club. Les flics avaient-ils souvent bénéficié d’une telle occasion ? Absolument pas. J’estimais que nous ne pourrions jamais accéder à leurs vraies saloperies en restant à l’extérieur, qu’ils pouvaient affirmer qu’ils nous faisaient confiance jusqu’à plus soif, mais que ça ne compterait jamais, parce que nous ne serions pas des Hells Angels. Si nous voulions mettre ces types K-O – et tout le monde était d’accord sur cet objectif – il n’y avait pas d’autre moyen. Selon moi, sortir de la zone de confort consistait à devenir des Hells Angels, à nous placer entre les mains de notre adversaire. J’étais sûr d’avoir raison.
Slats ne partageait pas mon avis et voulait que nous restions les Solos. Si nous entrions au sein des Hells Angels, notre opération dépendrait inévitablement des caprices du club et de nos parrains. Au lieu d’acheter des armes, nous monterions la garde et ouvririons des bières. Les Solos, en revanche, pouvaient faire ce qu’ils voulaient, quand ils voulaient et où ils voulaient. D’après lui, la cupidité à elle seule finirait par pousser les Angels à faire des affaires avec nous. En outre, les Solos leur fournissaient une illusion de bouc émissaire : nous formions un groupe distinct sur lequel il était facile de se défausser. Selon Slats, pour sortir de la zone de confort il fallait que nous soyons plus culottés, que nous mettions davantage de pression, que nous demandions des affaires plus juteuses. Slats connaît très bien la psychologie des criminels et peut-être avait-il raison.
Mais chacun resta sur ses positions. Notre ego était trop investi dans le travail accompli. Slats avait des projets grandioses et moi je voulais jouer avec les cartes que nous, les infiltrés, recevions. Je n’en dis rien, mais je sentis qu’il refusait également que nous rejoignions les Hells Angels parce qu’il aurait eu l’impression de perdre le contrôle de l’opération… ce à quoi il
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