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Noir Tango

Noir Tango

Titel: Noir Tango Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Régine Deforges
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détail.
    Rik Vanderveen était un bon danseur, un peu
raide, peut-être, rien à voir avec la souplesse d’un François Tavernier, mais
agréable quand même, surtout pour le tango. Chaque nuit, Léa dansait jusqu’à
deux ou trois heures du matin. Sa jeunesse et sa beauté égayaient ces soirées
un peu guindées ; elle dansait volontiers avec qui l’invitait, surtout
avec Vanderveen. Une nuit qu’il la raccompagnait jusqu’à la porte de sa cabine,
il l’avait attirée à lui et embrassée ; Léa s’était laissé faire sans
déplaisir puis, coquette, l’avait planté là. Entrée dans sa cabine, elle avait
allumé et poussé un cri.
    — Léa, que vous arrive-t-il ? avait
crié Vanderveen à travers la porte.
    Un doigt sur les lèvres, Amos lui avait fait
signe de répondre.
    — Rien, je me suis cognée au bureau. Bonsoir,
à demain.
    — Vous êtes sûre que tout va bien ?
    — Tout à fait sûre, merci. Bonne nuit.
    — Bonne nuit.
    Toujours un doigt sur les lèvres, Amos l’avait
entraînée loin de la porte.
    — Que faites-vous ici ? dit-elle à
voix basse.
    — Je vous attendais. Il y a longtemps
que vous connaissez cet homme ?
    — Qui ?
    — Rik Vanderveen.
    — Depuis que je suis sur le bateau. Nous
avons sympathisé.
    — N’avez-vous rien remarqué le
concernant ?
    — Non. Qu’aurais-je dû remarquer ?
    — Quelles sont vos relations avec les
autres personnes de la table ?
    — Avec monsieur Barthelemy et monsieur
Jones ?… des relations de table seulement. Ils se saluent mais parlent peu
ensemble… Ah si ! une fois… ils parlaient allemand tous les trois.
    — Que disaient-ils ?
    — Je n’ai pas très bien compris, ils
parlaient à voix basse et se sont tus à mon arrivée… J’ai cru entendre les mots
« sous-marin » et « Cordoba »… Vous ne pensez pas que
ce sont des nazis en fuite ?
    — Je n’en sais rien. Nous essayons d’obtenir
des renseignements par radio. En attendant, soyez prudente et essayez d’en
savoir plus sur eux.
    L’air frais fit
frissonner Léa ; elle plia son plaid et rentra dans sa cabine. Un bouquet
de roses rouges trônait sur la coiffeuse. Une carte accompagnait les fleurs :
« Je vous attends ce soir au bar, Rik. » Et si c’était un nazi ?
pensa-t-elle. Cela lui paraissait difficile à croire. Ne lui avait-il pas dit
son horreur de la guerre et des atrocités commises par les Allemands ? Qu’il
parle la langue des vaincus ne devait pas l’étonner, beaucoup de Hollandais la
parlaient. Amos et Daniel se trompaient, ils voyaient des nazis partout. Cependant
l’inquiétude demeurait, elle se promit d’être encore plus prudente et de le
questionner.
    Elle revêtit pour le dîner une longue robe
de crêpe d’un blanc ivoire au corsage drapé et releva ses cheveux en boucles sur
le sommet de sa tête. Elle sourit, satisfaite, à son reflet dans le miroir.
    Le bar était très animé. Jocelito, le
pianiste, jouait une valse lente et Ricardo, le barman, spécialiste de
délicieux cocktails, secouait son shaker avec énergie. Il sourit en voyant Léa
entrer.
    —  Buenos tardes, señora.
    — Bonsoir, Ricardo.
    — J’ai préparé un cocktail en votre
honneur, mademoiselle, en honneur de la France, voulez-vous y goûter ?
    — Avec plaisir, comment s’appelle-t-il ?
    — « Deuxième DB », mademoiselle.
    Le fantôme de Laurent d’Argilat sur son char
passa. Léa prit le verre que lui tendait le barman et but au souvenir du jeune
homme disparu.
    — C’est bon, mais très fort.
    — Faites attention aux mélanges de
Ricardo, ils sont redoutables, dit Rik Vanderveen en s’approchant du bar.
    — Merci pour les roses, Rik, elles sont
magnifiques.
    — Venez vous asseoir. Que voulez-vous
boire ?
    — Je vais reprendre un « deuxième
DB ».
    — Vous avez connu quelqu’un dans cette
division ?
    — Oui, un ami très cher qui a été tué
en Allemagne.
    Vanderveen poussa un soupir.
    — Nous avons perdu beaucoup d’amis dans
cette guerre.
    — Où étiez-vous, Rik ?
    — J’ai été fait prisonnier en 40. J’ai
passé ces quatre années dans un camp d’officiers.
    — C’était dur ?
    — Assez ; mais rien en comparaison
de ce qu’enduraient les juifs dans les camps de concentration.
    — Vous avez des amis juifs ?
    — Quelques-uns. Et vous ?
    — J’en avais un, il est mort ; et
une autre, qui a été déportée.
    — Elle est revenue ?
    — Je ne sais pas,

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