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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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N’abordons plus jamais ce sujet. C’est la seule chose que vous puissiez
faire pour moi en l’occurrence. Ne prononçons plus jamais son nom.
    — Bien volontiers. Je regrette seulement qu’elle et ses
proches ne puissent repartir là d’où ils sont venus.
    Il s’immobilisa et contempla le feu encore une ou deux minutes.
Les yeux secs et myopes de sa mère s’emplirent de larmes inhabituelles en le regardant.
Mais elle paraissait aussi calme et sévère qu’à l’accoutumée lorsqu’il reprit la
parole.
    — Des mandats d’arrêt ont été lancés contre trois hommes
pour conspiration, maman. L’émeute d’hier a donné à la grève le coup de grâce.
    Ainsi le nom de Margaret ne fut plus mentionné entre
Mrs Thornton et son fils. Ils reprirent leur ancien mode de conversation, qui
roulait sur des faits et non des opinions, et moins encore sur des sentiments. Ils
parlaient d’une voix et d’un ton calmes et détachés ; un étranger fût parti
en pensant qu’il n’avait jamais vu comportement plus glacial et plus indifférent
entre deux si proches parents.

 
     
     
     
     
     
     
     
     
    CHAPITRE
II
     
    Nature morte aux fruits
     
     
     
    «   Car
rien ne peut être mal à propos
    Qui est
offert par la simplicité et le zèle. »
    Le Songe
d’une nuit d’été. [62]
     
     
    Mr Thornton aborda résolument les diverses affaires du lendemain.
Une modeste demande pour des produits finis s’était présentée, et comme cela touchait
sa branche, il en profita pour négocier un contrat très serré. Il arriva avec une
ponctualité parfaite à son rendez-vous avec ses confrères magistrats, mit à leur
service son discernement remarquable et sa faculté de prévoir d’emblée les conséquences
éventuelles, ce qui lui permettait de parvenir à une décision rapide. Des hommes
plus âgés, beaucoup plus riches, notables de la ville depuis longtemps, des hommes
dont la fortune était réalisée et investie dans la terre, alors que la sienne était
encore sous la forme de capital flottant investi dans son affaire, avaient recours
à lui, lorsqu’ils avaient besoin d’un avis prompt et perspicace. Ce fut lui que
l’on délégua en tant qu’interlocuteur de la police et pour diriger les opérations
nécessaires. Or il ne se souciait pas plus de la déférence inconsciente de ses confrères
que du léger vent du Sud qui faisait à peine dévier de sa trajectoire verticale
la fumée des hautes cheminées. Il ne se rendait pas compte du respect silencieux
dont il jouissait. En eût-il été autrement, il l’eût ressenti comme un obstacle
à son objectif du moment. En l’occurrence, il se préoccupait seulement d’aller vite
en besogne pour atteindre son but. C’étaient les oreilles avides de sa mère qui
se repaissaient de ce qu’elle apprenait des femmes ou filles de ces magistrats,
de ces hommes fortunés, à savoir que monsieur Untel tenait Mr Thornton en très
haute estime, car sans lui, les choses auraient pris un tour très différent, et
tout à fait regrettable. Ce jour-là, il travailla d’arrache-pied.
    On eût dit que l’humiliation profonde vécue la veille, puis l’errance
hébétée et sans but des heures suivantes avaient chassé tout ce qui embrumait son
intelligence. Il sentait son pouvoir et s’en délectait. Il pouvait presque défier
son cœur. S’il l’avait connue, il eût pu chanter la chanson du meunier qui vivait
près de la Dee :
     
    Moi
je n’aime personne
    Et
personne ne m’aime [63] .
     
    Les preuves contre Boucher et les autres meneurs de l’émeute
lui furent soumises ; celles contre les trois autres, pour conspiration, furent
jugées insuffisantes. Mais il enjoignit sévèrement à la police d’ouvrir l’œil ;
car le bras droit de la loi devait être prêt à frapper dès qu’il pourrait prendre
un suspect en défaut. Là-dessus, il quitta la salle nauséabonde et étouffante du
tribunal municipal, et sortit dans la rue où il faisait moins chaud, mais encore
lourd. Il eut l’impression que d’un seul coup, il allait s’effondrer : il se
sentait si faible qu’il n’arrivait pas à maîtriser ses pensées, qui se tournaient
délibérément vers elle et ramenaient devant ses yeux non pas la scène de la veille,
où il s’était fait éconduire et rejeter, mais les attitudes et les actions de l’avant-veille.
Il allait dans les rues encombrées et évitait les gens sans les voir ; il éprouvait
la nostalgie douloureuse de cette

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