Nostradamus
d’un archer ; cet homme venait de sentir le contact d’une
main glacée.
Un autre cri, puis un autre. Un troisième.
Dix, vingt ! Tous les archers criaient, hurlaient. Dans les
ténèbres, ils cherchaient à gagner la porte. Il n’y avait plus de
porte. Leurs cris devenaient des plaintes. Une douzaine
s’évanouirent. Les plaintes devenaient des hurlements. Et toutes
ces clameurs formaient l’hymne effroyable de l’épouvante. Ce qui
hurlait en eux, c’était la peur – non la peur de la mort : la
peur de l’Invisible qui était parmi eux. Et pour tous, c’étaient
les mêmes sensations. Des mains visqueuses prenaient leurs mains ou
les touchaient au visage. Des choses inconnues s’accrochaient à
leurs jambes. Des rires d’enfer résonnaient à leurs oreilles.
Bientôt, l’épouvante les submergea. Les ténèbres, pour eux
s’éclairèrent, et ils virent des êtres désincarnés voler dans
l’espace en tourbillons, des langues de feux voleter, des femmes
aux corps vaporeux se tordre les mains.
Henri II, Saint-André, Roncherolles,
échappaient seuls à ce délire. Mais le délire les pénétrait. Ils
souhaitèrent la mort. Peu à peu, les hurlements s’apaisèrent. Et
alors, de nouveau, ce fut un silence plein de respirations de
damnés.
Dans ce silence, tout à coup, une clameur de
détresse. Puis une deuxième. Puis une troisième. C’était le
roi ! C’était Roncherolles ! C’était Saint-André !
C’était leur tour !…
– Caïn ! Caïn ! Voici ton frère
qui vient à toi !…
– Saint-André, voici Marie qui sort de sa
tombe !…
– Roncherolles, voici Renaud, le
voici !…
Il y eut trois cris d’effroyable détresse –
puis, plus rien.
Une voix, alors, une voix humaine cette fois,
d’une infinie douceur, dans cet instant, murmura à l’oreille du
roi :
– Sire, voulez-vous que je vous donne
Florise ?…
Henri II fut secoué d’un tressaillement
où il y avait encore une peur.
– Florise ?
– Oui. Si vous voulez, je vous la donne…
Seul au monde, je puis faire que volontairement elle vienne à vous
dès demain…
– Que faut-il faire ? râla le
roi.
– Appelez Nostradamus et faites sortir
tous ces importuns.
Tout disparut de l’esprit du roi. Il n’y eut
plus que sa passion, plus que Florise et le roi prononça :
– Nostradamus, venez à moi !…
Dans la même seconde, l’éblouissante lumière
reparut. Le roi palpitant vit Nostradamus qui disait :
– Sire, me voici à vos ordres.
Quand on vit Nostradamus, pareil aux autres
hommes, une rage furieuse les souleva tous. Roncherolles et
Saint-André rugirent « Nous le tenons enfin ! »
Montgomery s’apprêta à frapper.
– Arrière tout le monde ! cria le
roi.
Nostradamus se redressa et se croisa les bras
en souriant.
– Sire ! balbutia Saint-André. Cet
homme…
– Le premier qui le touche aura affaire
au bourreau. Et vous, un mot de plus, je vous fais arrêter. Sortez
tous !
Il y eut dans un silence d’énorme stupeur, le
départ hâtif. La grande porte s’était ouverte. À chaque archer qui
passait, Djinno remettait une pièce d’or. Montgomery sortit le
dernier. Il grondait :
– Le sorcier va dénoncer la reine et me
dénoncer !
Il tourmentait son poignard. Nostradamus alla
à lui, dit :
– Rassurez-vous.
Il ne saura
pas.
Montgomery s’enfuit. Le roi voyant Nostradamus
devant lui, voulut s’assurer que lui, roi, avait encore quelque
autorité en ce lieu.
– Vous avez ici, un rebelle. C’est lui
que nous venions chercher.
– Le Royal de Beaurevers ? En effet,
il est ici, chez moi.
– Il faut me livrer cet homme, reprit
rudement Henri.
– Tout de suite, si le roi le désire.
Mais je vous préviens que ce sera un danger pour vous. Laissez-moi
choisir le moment où la destinée du rebelle devra entrer en
conjonction avec celle du roi. Alors, sire, je le mettrai en votre
présence.
Le roi, content d’avoir
rétabli
son
autorité n’insista pas.
– J’attendrai le moment que vous jugerez
favorable, dit Henri.
– Et en attendant, dit Nostradamus avec
un sourire, je vous donne Florise. C’est elle-même qui viendra.
Seulement…
– Parlez, parlez, balbutia Henri.
– Il faut vous débarrasser du
grand-prévôt sans effusion de sang, sire, c’est nécessaire.
– Demain matin, il sera à la Bastille,
grinça Henri.
– Il faut vous débarrasser du révérend
Ignace de Loyola.
– Je le chasse de France,
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