Nostradamus
soufflets, plus d’ordures,
plus de ricanements… Quand on me détacha, il me dit :
« Voilà un écu ; va te reposer. » Et il s’en alla.
Mais moi je le suivis… Je l’ai toujours suivi depuis… Et c’était Le
Royal de Beaurevers ! C’est ainsi que j’ai fait sa
connaissance. À sa santé, Dio birbante !
Corpodibale saisit l’outre et la vida. Puis à
son tour, il alla jeter un coup d’œil sur Le Royal qui
murmurait :
–
Pourquoi est-elle si
belle ?
Et Corpodibale, ayant rejoint ses compagnons,
leur dit :
– Il fait un heureux songe : il voit
la Madone.
Les douze coups de minuit tintèrent. Le Royal
de Beaurevers sauta du lit sur lequel il s’était jeté tout habillé.
Il se secoua, et rejoignit ses quatre acolytes.
– En route ! cria Le Royal.
Tudiable ! Je vous ai promis une agape chez Myrta, et vous
savez comme je tiens parole.
Et en lui-même, avec attendrissement, il
ajouta :
– Myrta, ma sœur… Toute ma famille,
maintenant…
Bouracan, les yeux enflammés, se léchait les
lèvres et jurait :
– Sacrament ! Pourvu que Myrta nous
ouvre !
– Mais, dit Trinquemaille, avez-vous de
l’argent, seigneur ?
Question insensée. Il n’avait jamais une
maille dans sa ceinture de cuir. Il s’élança au dehors. Les quatre
sacripants le suivirent. À l’instant où ils allaient tourner dans
la rue Troussevache, un coup de sifflet de Strapafar indiqua
l’alerte ; en deux secondes, les cinq se trouvèrent réunis, le
poignard au poing, fouillant la nuit : une troupe, devant eux,
marchait, suivant le chemin où ils allaient s’engager.
– Ils sont douze, murmura Le Royal.
– Tonnerre du diable, quels yeux il vous
a lou pigeoun ! Pourquoi vos yeux comprennent-ils les
ténèbres ?
– C’est qu’ils se sont ouverts sur des
ténèbres, répondit Le Royal. Je suis né dans un cachot.
– À nous ! Au meurtre ! clama
dans le lointain une voix.
– Ils attaquent ! dit Le Royal. Ce
sont des truands…
– Il faut qu’ils partagent avec
nous !
– Non, non, pas de partage ! À nous
toute l’aubaine !
– Oui, à nous ! dit Beaurevers d’une
voix étrange.
Ils se ruèrent. Le Royal en tête. Il distingua
la bande des douze inconnus autour de la proie.
– Au meurtre ! cria une dernière
fois la victime.
– On vient ! tonna Beaurevers d’une
voix éclatante.
En trois bonds, il fut sur le groupe.
Quelqu’un, parmi les douze, hurla : En retraite ! Il y
eut une fuite soudaine, puis tout disparut. Beaurevers demeurait
effaré de ce brusque évanouissement – et inquiet tandis que les
quatre compères se jetèrent sur la proie :
– À nous toute l’aubaine !
La proie, c’était une dame immobile,
dédaigneuse ; devant elle s’étaient placés un homme de haute
taille et une autre femme qui continuait à pousser des cris
perçants en voyant cette nouvelle bande. Trinquemaille vit que la
dame dédaigneuse était la maîtresse.
– Voilà où est le magot !
cria-t-il.
Et, allongeant le bras, il saisit la dame à
l’épaule, tandis que ses compagnons sautaient sur les deux autres
victimes. Trinquemaille, à ce moment, jeta un cri de douleur ;
Bouracan, Corpodibale et Strapafar reculèrent, violemment
repoussés.
– Bas les pattes ! gronda Le Royal,
leur assénant des horions.
– Quoi ? demandèrent-ils, stupides
d’étonnement.
– Madame, dit Beaurevers, vous êtes
libre. Toi, Trinquemaille, rends à cette dame l’escarcelle que tu
lui as prise.
Trinquemaille grogna mais obéit. La dame
dit :
– Gardez-la, mon ami…
– Soit ! s’écria le truand, qui fit
disparaître l’escarcelle.
Le Royal tira froidement sa rapière, et
prononça :
– Si tu ne rends pas l’escarcelle, tu es
un homme mort !
Cette fois, la dame prit la sacoche que
Trinquemaille lui tendait d’un geste de rage. Elle regarda Le
Royal.
– Voulez-vous me dire votre nom ?
demanda-t-elle d’un accent qui troubla l’esprit du jeune homme.
Il répondit brusquement :
– Mon nom ? Le Royal de Beaurevers.
Ma fortune ? Sans sou ni maille. Mon logis ? Les bornes
des rues. Mon métier ? Truand de Petite-Flambe. Mon
passé ? Mystère. Mon avenir ? Une corde. Vous savez
maintenant toute mon histoire. Adieu.
– Un instant, fit-elle. Il est possible
que vous ayez un jour besoin d’un gîte sûr. Si vous êtes traqué,
réfugiez-vous chez moi. Rue des Lavandières. En face de
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