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Notre France, sa géographie, son histoire

Notre France, sa géographie, son histoire

Titel: Notre France, sa géographie, son histoire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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chroniques, avait toujours été un
     franc-aleu de l'évêque. » C'est aussi par des conquêtes sur les évêques
     que commencèrent les comtes poitevins de Die et de Valence.
    Ces comtes d'Albon, de Guignes qui prirent le nom de Dauphins ,
     du poisson qui ornait leur casque, ont fait lignée de rois. Ils ont régné en
     Dauphiné, jusqu'à ce que l'un d'eux, lassé du pouvoir, cédât la province à la
     couronne, à Philippe de Valois, à la condition qu'elle serait un apanage du
     fils aîné du roi.
    Charles VII en profita pour exiler celui qu'on croyait un enfant et
     qui, à quatorze ans, était Louis XI, déjà ligué avec les ennemis de son père.
     Le roi lui faisait sa part, lui donnait par avance d'hoirie, une petite
     royauté.
    La féodalité qu'allait abattre Louis XI ne pesa jamais dans le
     Dauphiné comme dans le reste de la France. Les seigneurs en guerre éternelle
     avec la Savoie, — ces guerres jetèrent un grand éclat sur la noblesse
     dauphinoise, — eurent intérêt de ménager leurs hommes ; les vavasseurs y furent moins des arrières-vassaux que des petits nobles à
     peu près indépendants. Dès le dixième siècle, le pays se divisa en une infinité
     de comtés de petits clans. Aussi la Révolution française n'a point été
     sanglante à Grenoble ; elle y était faite d'avance. Pendant la Terreur,
     les ouvriers y maintinrent l'ordre avec un courage et une humanité admirables,
     à peu près comme à Florence le cardeur de laine, Michel Lando, dans
     l'insurrection des Ciompi
    De Vizille, près Grenoble, partit le premier acte de la Révolution, le
     dédoublement du Tiers.
    Bonaparte connaissait bien Grenoble, quand il la choisit pour sa
     première station en revenant de l'île d'Elbe. Il rentrait en promettant de
     relever l'empire par la république.
    1 Ce fut Marignau.
    2 Écrit eu 1833.
    3 De Gap ou d'Embrun descendit aussi, au
     XII e siècle, Pierre de Bruys pour aller prêcher dans le midi la
     croisade du libre esprit, la croisade albigeoise.

XVII
    LA SAVOIE
    Une des grâces de la France qui en a tant, c'est qu'elle n'est pas
     seule, mais entourée de plusieurs Frances 1 . Chacune
     d'elles lui représente quelqu'un des âges du passé. Devenue sérieuse et
     soucieuse, elle retrouve en elles la gaieté, la vivacité, la grâce du cœur,
     tous les charmants défauts dont nous nous corrigeons et que le monde aimait en
     nous, avant que nous ne fussions des sages.
    Les maîtres des peuples qui remanient la carte d'Europe sans tenir
     compte du génie des races et de l'unité géographique, avaient, pourtant, coupé
     en deux l'une de ces petites Frances qui parle, non seulement, notre langue,
     mais que la nature, — physiquement, — a faite identique à la nôtre. Du lieu où
     nous sommes, gravissez quelque pic élevé et regardez devant vous : vous
     verrez les Alpes du Dauphiné et de la Savoie dialoguer entre elles. Ce ne sont
     pas deux versants, c'est un même massif. La majesté du Mont-Blanc est
     reproduite dans le puissant glacier du Pelvoux. Les plantes et les animaux
     sont, aussi, les mêmes. Le chamois sur les cimes, l'ours au fond des vallées,
     ont passé de tout temps, d'un pays à l'autre, sans souci des frontières.
    Les destinées de l'antique Savoie furent celles du Dauphiné. Au
     IX e siècle, elle fit partie, comme lui, de l'empire de Charlemagne.
     Quand cette Babel tomba en pièces, ces deux petits pays que leur faiblesse
     livraient en proie aux convoitises des puissants armés, échurent au roi de
     Bourgogne. Au commencement du XI e siècle la Savoie, réunie à
     l'empire germanique, fut érigée en comté. C'est l'origine des comtes, des ducs
     de Savoie et de Piémont.
    Petit État qui grandira rapidement et se fera bientôt le portier incommode des Alpes, ouvrant ou fermant la porte au Midi, au
     Nord, selon son intérêt, son caprice.
    Mais alors il n'y eut plus de Savoie. Le pauvre petit pays ne fut plus
     qu'une annexe du Piémont, étouffé par sa tyrannie. Il lui défendit, tout à la
     fois, l'industrie et le commerce, le força, dès lors, d'émigrer. C'est à cette
     époque que les Savoyards prirent la coutume de venir chercher leur vie en
     France.
    Telle a toujours été l'attraction de la grande France sur la petite,
     que ce ne fut pas seulement le petit peuple qui descendit vers nous ; les
     ducs de Savoie eux-mêmes, tantôt nos alliés douteux, tantôt nos ennemis
     déclarés, ne vinrent pas moins de

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