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Notre France, sa géographie, son histoire

Notre France, sa géographie, son histoire

Titel: Notre France, sa géographie, son histoire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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dans la pauvre Nantua de l'autre côté de la montagne, que
     commença l'industrie de ces contrées. Attachés à la glèbe, ils taillèrent
     d'abord des chapelets pour l'Espagne et pour l'Italie. Il y avait encore des
     serfs de prêtres en 89. La Révolution les affranchit.
    La Franche-Comté, fortement espagnole d'inclination et de mœurs, fut
     pourtant celle de nos provinces qui sentit le plus vivement le bonheur de la
     délivrance.
    Ces serfs, aujourd'hui qu'ils sont libres, couvrent les chemins de
     rouliers, de colporteurs, de gens d'affaires.
    Des parties les plus stériles du Jura et du Doubs, celles que les
     guerres ont tant de fois ruinées, s'écoulent les émigrants.
    Un remarquable esprit de mesure caractérise les Francs-Comtois. Ils
     ont eu de bonne heure deux choses : savoir faire, savoir s'arrêter.
     Savants et philosophes, érudits et littérateurs, tous les Comtois distingués se
     recommandent par ce caractère. L'universalité est précoce en Franche-Comté,
     mais aussi la précision, la mesure, j'allais dire l'arrêt. Ainsi, Nodier
     commence le mouvement romantique et s'arrête 8 . Cuvier
     donne la plus grande centralisation scientifique, il ne la fait pas marcher en
     avant. C'est là le trait caractéristique : savoir tout et savoir
     s'arrêter.
    Le règne des Francs-Comtois a commencé sous Philippe le Bon. Ses
     prédécesseurs Philippe le Hardi et Jean sans Peur choisissaient dans le
     parlement de Paris les chanceliers et présidents de leur parlement de
     Bourgogne. Philippe le Bon et son fils Charles le Téméraire prennent des
     Francs-Comtois pour ministres. A dater de ce moment ils seront les vrais rois.
     La maison de Bourgogne se remet à eux pour deux siècles. Ils alterneront avec
     les Picards, les Croy, les Humbercourt, les Commines. Il y aura entre eux
     émulation de zèle. Le personnel de Charles Quint sera bien supérieur à celui du
     roi de France. Les Armeniet, les Raulin commencent, et sont continués par les
     de Goux, les Rochefort, les Carondelet, familles de légistes, de procureurs
     diplomates qui se pousseront dans la robe et dans l'épée. Les descendants des
     Rochefort, très guerriers, prisonniers à Pavie, tués à Saint-Quentin, à
     Philisbourg...
    Chose curieuse, fournissant tant de légistes et de gens d'affaires
     très avisés, la Franche-Comté ne donne nul grand légiste révolutionnaire comme
     Dumoulin, ni interprète comme Cujas.
    Les Armeniet, les Carondelet commencent seulement la rédaction des
     coutumes de Bourgogne, les Rochefort la continuent en France. Sages et habiles,
     au quinzième siècle ils organisent ; au seizième, ils négocient,
     gouvernent longtemps, à petit bruit ; les Armeniet, les Raulin, les
     Carondelet, les Ferry, les Granvelle, surtout aux Pays-Bas, les Rochefort,
     surtout en France. C'est sous Granvelle que la tyrannie de la dynastie
     franc-comtoise éclate. Leur tradition d'impérialisme romain, de procédures
     secrètes furent pourtant connues dès l'époque où le chancelier Raulin, armé
     d'un simple billet de son maître absent, fit étouffer entre deux matelas le
     sire de Granson, accusé d'avoir voulu soulever la noblesse.
    Le premier des Granvelle, d'abord l'homme de Marguerite d'Autriche,
     devient ensuite le conseiller de son neveu, de Charles Quint. Négociateur à
     Calais, à Madrid où il voudrait adoucir, il accompagne son maître à Tunis,
     écrit l'expédition, préside le colloque de Worms, assiste à l'ouverture du
     concile de Trente. A sa mort, Charles Quint écrit à Philippe II :
     « Nous avons perdu un bon lit. »
    Son fils, qui lui succède, sera l'avisé Granvelle, le verbeux
     rédacteur de la diplomatie impériale pendant trente ans. Vous verrez à
     Besançon son palais bâti en pierres grises. Rien n'y est donné à la fantaisie.
     Il m'a rappelé un bâtiment universitaire que j'ai vu en Angleterre, le collège
     d'Oxford. Le palais de Granvelle est plus sérieux.
    Presque tous ces Francs-Comtois sont descendus de la montagne. Raulin,
     de Poligny ; Olivier, de la Marche, de Joux ; les Rochefort, les
     Carondelet, les de Goux, de Dôle ou tout près. Armeniet est d'en bas, de
     Besançon, les Granvelle, d'Ornans. Il y a chez ces montagnards, sous forme
     contenue, une forte affirmation de la personnalité de la race. De ces poitrines
     s'échappe, avec la parole toujours un peu haletante, un souffle de grande
     volonté.
    De la Franche-Comté, aussi, Rouget de

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