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Par le sang versé

Par le sang versé

Titel: Par le sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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mais le bateau peut les supporter aisément.
    –  Bon, ça résout tous les problèmes. La 4 e compagnie à bord ! Prête à débarquer sur l’appontement dans un quart d’heure ! »
    De Franclieu fait remarquer :
    « Ça va être une vraie séance de tir aux pigeons en face.
    –  Tu as mieux à proposer ? » interroge amèrement Mulsant.
    Tous les légionnaires de la 4 e sont des soldats chevronnés qui ont l’habitude des coups durs, des actions désespérées, des balles qui sifflent, des obus qui éclatent, mais le genre d’opération qu’ils vont tenter dans quelques instants crée néanmoins un malaise parmi eux. Une évidence mathématique les rebute : ils savent qu’un nombre certain d’entre eux sera mort dans un quart d’heure. Et tout en plaisantant, en échangeant des cigarettes ou du chewing-gum, tous luttent contre une obsédante pensée : Lesquels d’entre nous ? Toi ? Moi ? Celui qui est parti pisser ? Celui qui fume allongé sur le dos les yeux au ciel ?…
     
    Les hommes s’entassent à bord du L. C. T. Ils sont quatre-vingt-seize. Le tir ennemi se déclenche, inefficace sur l’embarca tion blindée, puis c’est une fois encore le panneau mobile qui s’abaisse. Devant eux, les légionnaires voient le long parcours de bois grossier que les balles viets écorchent, faisant voltiger de petits fragments.
    Le tireur au F. M., Steck, sort le premier ; il est frappé aussitôt de plusieurs balles en pleine poitrine, mais il trouve la force de s’allonger derrière son fusil mitrailleur et d’ouvrir le feu, protégeant ainsi la course de quatre lanceurs de grenades qui s’élancent. Ils font six enjambées et se laissent tomber en avant, amortissant leur chute du bras gauche tandis que du droit ils projettent leurs grenades dans un vif mouvement rotatif. Derrière eux, comme un ballet bien réglé, l’attaque s’organise tandis que Steck, crispé sur son fusil mitrailleur devenu muet, agonise lentement, se vidant de son sang qui ruisselle jusqu’au fleuve à travers le bois mal joint.
    À neuf heures quarante, les premiers retranchements viets tombent aux mains des légionnaires. La violence des combats est indescriptible ; les hommes se battent souvent à l’arme blanche. Derrière, la Coloniale débarque en renfort des L. C. T. suivants.
    Constatant qu’ils sont impuissants à enrayer le flux grossissant des soldats français, les viets battent brusquement en retraite, laissant la 4 e compagnie maîtresse de son objectif.
    Aussitôt, sans qu’il soit nécessaire de leur donner des ordres, les hommes de la 4 e compagnie organisent leur défense. Ils ont, jusqu’à l’automatisme, l’habitude de l’opération.
    À dix heures cinq, le capitaine Ducasse commandant les parachutistes parvient à établir une liaison. Eux aussi ont eu des ennuis. Les pertes subies à l’atterrissage et une légère erreur de largage ont contraint à un mouvement imprévu ; les paras ont été mis dans l’impossibilité d’attaquer la Cotonnière à rebours. Pourtant, à l’heure actuelle, ils contrôlent le boulevard Paul-Bert qui conduit à l’avenue Francis-Garnier où se trouve la banque d’Indochine tenue par les coloniaux.
    À dix heures quinze, c’est le chef de bataillon d’Aboval qui arrive à son tour à la tête d’une section. Il commande l’ensemble de la garnison à évacuer, et fait brièvement le point de la situation :
    « Si nous faisons très vite, nous avons une chance d’embarquer tout le monde sans subir de nouvelles attaques. Les viets sont sûrement impressionnés par ce déploiement de forces. Mais lorsqu’ils comprendront qu’on déménage, ils risquent d’ouvrir le feu sur les attardés. Ils sont partout, dans chaque maison, dans chaque cave, sur tous les toits, par petits groupes armés jusqu’aux dents. Il faudrait des semaines, peut-être des mois, à un régiment pour les déloger ou les anéantir.
    –  Avant toute chose, répond Mulsant, nous devons établir une liaison avec la compagnie de la Coloniale qui tient la banque d’Indochine.
    –  Dans ce cas, fait remarquer d’Aboval, il faut ouvrir le boulevard Francis-Garnier sur les cent cinquante mètres qui séparent l’angle du boulevard Paul-Bert de la banque. »
     
    Une section de six légionnaires va se livrer alors à une éclatante démonstration de combats de rues. Ils vont ouvrir et occuper tous les rez-de-chaussée de l’avenue Francis-Garnier, exactement comme

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