Par le sang versé
qu’elle comporte sont jugés trop élevés : « Une balle bien placée et c’est le feu d’artifice… »
Vers la fin du mois de janvier, c’est au tour d’Osling de faire preuve d’imagination.
Le poste de radio de la banque signale un matin qu’un obus de mortier vient de s’abattre à proximité d’une réserve d’essence, provoquant un incendie sans autre conséquence grave que la perte totale de la réserve de cigarettes et de tabac. Les co loniaux de la banque n’ont plus rien à fumer et réclament de l’aide.
Mis au courant, Mulsant refuse catégoriquement d’exposer la vie d’un seul homme pour faire parvenir du tabac au poste de la banque. Pourtant il est fumeur et il conçoit le supplice que vont endurer les malheureux pendant un temps qui reste indéterminé. Très vite, les légionnaires sont au courant de la situation de leurs compagnons. Tous seraient volontaires pour tenter de leur faire parvenir du tabac ; aucun n’estime que ce serait un risque plus superflu qu’un autre, mais Mulsant demeure intransigeant.
Dans la nuit, deux coloniaux partent, sans ordres, de la banque pour tenter une liaison. Un seul arrive. L’autre saute sur une mine à cent mètres de la Cotonnière. Il est tué sur le coup.
Mulsant refuse au survivant l’autorisation de repartir, et la situation reste entière.
À l’aube, Osling croit avoir trouvé une solution. Pourquoi ne pas envoyer au mortier des obus de tabac ? Il suffit de régler le tir en se servant de charges mortes d’un poids égal aux cartouches de cigarettes. La journée entière sera nécessaire à la mise au point du projet. L’objectif est le toit de la banque.
Vers six heures du soir, tout semble prêt. Des obus de coton de cinq kilos tirés depuis la Cotonnière atterrissent régulièrement sur le toit de la banque. Enthousiasmée, la Coloniale transmet :
« O. K. ! vous pouvez envoyer le tabac. »
Sur trois tirs, deux obus de cigarettes parviennent à la Coloniale. Un rapport très sérieux sera établi au sujet de ce procédé, car il paraît évident aux officiers qu’il peut se révéler utile dans d’autres circonstances…
9.
À L ’ AUBE du 22 janvier, la sentinelle du poste Bofelli est tirée de sa torpeur par l’éclatement d’une fusée jaune lancée de la banque. Il est cinq heures trente du matin. La signification de ce tir est connue de tous : les coloniaux réclament un contact radio immédiat. La sentinelle ne quitte pas son poste mais prévient l’un des trois légionnaires qui dorment dans la pièce.
« Raymond, va prévenir le radio, les coloniaux veulent parler. »
Raymond sort facilement d’un sommeil léger ; il va se tremper la tête dans un seau d’eau, agrafe son short et sa chemise, et quitte la pièce d’un pas traînant.
Le poste de radio est installé dans le bâtiment central. Malgré l’exiguïté de la pièce, deux techniciens y dorment par roulement. À l’arrivée de Raymond, ils sont occupés à réchauffer une gamelle de thé.
« La Coloniale vient de tirer une fusée jaune, annonce Raymond. Vous devriez-vous mettre à l’écoute. »
L’un des deux radios s’approche du poste, soulève un petit levier de bakélite, et se lance dans la rituelle litanie :
« Oncle Tom » appelle « Financiers » – « Oncle Tom » appelle « Financiers » – À vous. »
Le radio délivre le levier qu’il actionnait par pression sur le manche du micro et attend la réponse, qui ne vient pas. Indifférent il allume une cigarette à l’aide d’un briquet zippo, puis il reprend sur le même ton monocorde :
« Oncle Tom » appelle « Financiers » – « Oncle Tom » appelle « Financiers » – À vous. »
Cette fois, les coloniaux répondent. La communication est imparfaite comme chaque fois qu’ils n’émettent pas du toit de la banque.
« Ici « Financiers ». Je vous reçois 3 sur 5. Comment me recevez-vous ?
– Je vous reçois également 3 sur 5. À vous. »
Une voix qui n’a pas l’habitude des échanges radio, reprend alors :
« Ici le caporal-chef infirmier Leroyer. Nous avons deux malades qui nous inquiètent. Il paraît que vous avez un médecin. Pouvez-vous me mettre en communication avec lui ? À vous. »
Les trois hommes s’interrogent du regard. Cela dépasse leur compétence. Le radio opérateur prend l’initiative.
« Il est cinq heures cinquante. Reprenez le contact à six heures. Nous
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