Par le sang versé
sont dissimulées le long de la berge et ouvrent le feu à leur tour, visant, cette fois, le gouvernail qui très rapidement ne répond plus. Devenue folle, la My Huong oblique sur la gauche – en direction de la rive où se trouvent ses agresseurs. Destors hurle l’ordre d’arrêter les machines. Mal heureusement l’élan emporte la chaloupe ; son avant s’échoue juste en face des viets.
Protégés par les rambardes blindées les légionnaires tirent sans répit dans la direction des feuillages au milieu desquels l’ennemi reste invisible.
Obligé d’organiser la défense dans la confusion, Destors n’a pas le temps de s’occuper des civils qui, par réflexe, se ruent vers l’intérieur, cherchant à se tasser entre les machines immobilisées. Geneviève Seydoux cherche à les imiter ; comme eux, elle avance à quatre pattes sur le pont, attendant son tour pour gagner l’échelle d’accès qui descend à la salle des machines.
Sans aucune explication, lorsqu’elle passe à sa hauteur, Hoffmann la saisit par le bras et la tire à ses côtés, puis il se remet à tirer.
« Vous êtes fou, lance la jeune fille, laissez-moi aller me mettre à l’abri.
– Couchez-vous derrière la rambarde, elle est blindée, vous ne risquez rien.
– Je serais mieux en bas », réplique la jeune fille, faisant un mouvement pour aller reprendre son tour.
De nouveau Hoffmann la saisit et la ramène.
« Restez ici ! C’est la dernière fois que je vous le dis, j’ai autre chose à faire. »
Geneviève Seydoux a une seconde d’hésitation, mais frappée par l’assurance du légionnaire, elle cède et se tapit à l’abri de la plaque de blindage sur laquelle elle entend une pluie de balles ricocher.
Au bout d’un instant elle s’aperçoit qu’elle et le petit Pham Van So sont les seuls civils sur le pont ; un légionnaire qui se tient à quelques mètres semble avoir eu avec la petite mascotte la même attitude que celle d’Hoffmann à son égard.
Sans se relever elle crie à Hoffmann :
« Vous pensez que c’est dangereux en bas ?
– Les discours plus tard ! » répond Hoffmann qui continue à tirer.
C’est par intuition qu’Hoffmann avait retenu Geneviève Seydoux ; au bout de quelques minutes il s’aperçoit qu’il ne s’était pas trompé.
Dans la salle des machines l’une des chaudières explose. Une dizaine de civils sont tués sur le coup, la plupart des autres sont atrocement brûlés, les plus heureux s’en tirent avec des brûlures superficielles. L’administrateur n’est atteint que légèrement aux bras et aux mains, mais n’en émerge pas moins à l’air libre en hurlant de détresse.
La situation devient critique. Lahoz, le radio, arrive sur le pont : le poste émetteur, atteint dès les premières rafales est irréparable et il n’a pas pu transmettre le moindre message. Pour crier son rapport, Lahoz s’est tenu debout. Il reçoit plusieurs balles en plein front et s’écroule foudroyé. Aucune arme automatique ne reste disponible à bord, et il est évident que l’ennemi est fort d’au moins une centaine de combattants.
Par chance, la rive est nue sur une cinquantaine de mètres en profondeur, ce qui fait hésiter les viets à lancer un assaut dont l’issue finale ne fait pourtant aucun doute. Les rebelles ont compris la détresse des occupants de la chaloupe et n’ont aucun intérêt à s’exposer au feu des légionnaires installés coude à coude derrière la rambarde blindée. Il leur suffit de faire le siège de l’embarcation ; ils savent que, même si la My Huong est parvenue à lancer un S. O. S., les renforts ne peuvent arriver que de l’autre berge, leur laissant le temps de décrocher quelle que soit la puissance des secours.
Hoffmann a jugé la situation en technicien. Il cesse de tirer, pose son fusil, se retourne, le dos appuyé à la rambarde, et avec des gestes lents et précis, allume une cigarette sous le regard ahuri de Geneviève Seydoux. Puis, d’une voix suffisamment forte, pour n’être pas couverte par le fracas des détonations, il appelle le lieutenant.
« Je vous écoute, Hoffmann, répond Destors, accroupi à plusieurs mètres vers l’avant.
– Il faut aller chercher les mitrailleuses sur le toit et tenter de les remettre en état, mon lieutenant ! Sans ça ils viendront nous massacrer quand ils le voudront.
– Je sais, Hoffmann, mais personne ne peut parvenir vivant sur le toit : c’est en
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