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Par le sang versé

Par le sang versé

Titel: Par le sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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plein dans leur axe de tir.
    –  Si tous les hommes se lèvent d’un seul coup et se mettent à tirer debout, les viets peuvent se trouver distraits un instant et ne s’occuper qu’à faire des cartons.
    –  Vous vous rendez compte de ce que vous me demandez ?
    –  Vous vous rendez compte de ce qui va arriver dans moins d’une heure si nous nous contentons de rester sur la défensive ? »
    Destors marque un temps de réflexion, puis répond :
    « Vous y allez ?
    –  Si vous voulez, moi ou un autre !
    –  Écoutez ! Vous m’entendez tous ? hurle Destors de toute la puissance de sa voix. Je vais me lever dans trente secondes. En même temps, tout le monde m’imite. Feu à volonté. Tir à tuer sur tout ce qui bouge. Position du tireur debout. Préparez-vous. »
    Un des partisans jette son fusil et se précipite vers le bord opposé, il enjambe la rambarde et saute à l’eau le plus loin qu’il peut. Avec une vivacité incroyable, l’adjudant Naessans l’a suivi et lui place, en plein vol, une balle entre les omoplates ; il rejoint vivement sa place et hurle à son tour :
    « Vous m’entendez, partisans de mes fesses ! Si l’un de vous reste accroupi je le flingue séance tenante. »
    La menace se révèle superflue, aucun homme ne cherche plus à fuir et, dès que le lieutenant se redresse, il est suivi de tous.
    Hoffmann s’élance. D’un seul bond il parvient à saisir la barre d’appui du toit sur lequel il se hisse avec l’agilité d’un singe. Il saisit la mitrailleuse de 50 par le trépied, la laisse pendre à bout de bras vers le pont et la lâche. En rampant, il gagne la mitrailleuse Hotchkiss et lui fait suivre le même trajet, puis il se laisse tomber à l’abri du côté de la rive sud.
    Les prévisions d’Hoffmann se sont révélées exactes : surpris par l’attitude des légionnaires et des partisans, les viets ont dirigé leur feu sur les cibles inespérées qui s’offraient à eux, ne remarquant que trop tard l’homme qui s’était hissé sur le toit. L’opération a réussi mais le bilan en est tragique ; la moitié de l’effectif est tombé : six tués dont quatre légionnaires, quatre blessés hors de combat, deux blessés légers. Il ne reste qu’une dizaine de combattants valides pour défendre la chaloupe.
     
    Aidé de l’adjudant Naessans, Hoffmann examine les mitrailleuses. La petite est sérieusement endommagée mais la grosse Hotchkiss est simplement enrayée ; il faut une minute pour la remettre en état. Tout ce qui peut servir à bord pour confectionner un blockhaus de fortune est alors récupéré. La mitrailleuse, pour laquelle les munitions ne manquent pas, est disposée de façon à ce que son tir puisse couvrir toute la surface nue qui s’étend devant les repaires de l’ennemi.
    Hoffmann lâche au hasard une longue rafale pour faire savoir aux agresseurs qu’ils sont maintenant pourvus d’une arme automatique en état. Un homme est désigné pour servir de guetteur à la mitrailleuse, les autres arrêtent leur tir inutile et se contentent de rester à l’abri.
    Un calme total est revenu, les viets ont également cessé le feu, et le silence est peut-être plus inquiétant que le vacarme des détonations. Un partisan s’approche du lieutenant.
    « Il y a un soldat qui va mourir, mon lieutenant. »
    Destors jette un regard dans la direction de Geneviève Seydoux qui comprend la requête muette de l’officier. Elle rejoint le blessé et lui pose la main sur le front.
    L’homme a la force de sourire. Il fixe la jeune fille de ses yeux voilés et fait des efforts pour parler, mais il ne parvient qu’à accélérer sa respiration haletante ; alors, comme pour s’excuser, il hoche la tête deux fois. Geneviève a pris la main du mourant. Un flot de sang s’échappe de sa bouche et l’homme expire dans un ultime hoquet. Ses yeux grands ouverts restent fixés sur le visage de la jeune fille qui lentement se détourne du mort. Elle ruisselle de sueur, sa robe est tachée de sang. Un instant elle fait un effort pour se contenir, puis elle éclate en sanglots et se réfugie sur l’épaule d’Hoffmann. L’Allemand est désemparé. Il jette un regard embarrassé sur ses camarades et sur le lieutenant ; il est honteux de sa chemise puante, inondée de sueur, dans laquelle Geneviève enfonce son visage. Il finit par sortir de sa poche un mouchoir crasseux et le tend à la jeune fille qui, soudainement, reprend ses esprits, se

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