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Par le sang versé

Par le sang versé

Titel: Par le sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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mouche et rend machinalement le chiffon sale SVT légionnaire.
    « Excusez-moi », dit-elle simplement.
     
    Vers dix-huit heures trente, à la tombée de la nuit, les viets tentent un assaut. Une vingtaine d’hommes se ruent sur la place en criant. Le tir de la mitrailleuse lourde les décime, mais quatre d’entre eux parviennent assez près de la chaloupe pour lancer des grenades.
    Un combattant viet est abattu, mais les trois autres ont le temps de jeter leurs engins avant de s’écrouler.
    Deux grenades tombent à l’eau, la troisième atterrit sur le pont. Le légionnaire Levagueresse se précipite et la relance au loin avant qu’elle n’explose.
    Les légionnaires viennent de prouver à leurs agresseurs que la chaloupe est toujours imprenable.
    Destors a rejoint Naessans et Hoffmann, il dit sans y croire vraiment :
    « Dès que la nuit sera tombée il faut que l’un de nous essaie de traverser à la nage pour aller prévenir le poste de Lap-Vo. Nos munitions ne sont pas éternelles.
    –  La lune est pleine et il n’y a pas un nuage dans le ciel, fait remarquer l’adjudant. On y verra cette nuit comme en plein jour, un nageur se fera remarquer.
    –  On en enverra un autre, constate Destors, nous n’avons pas le choix. »
    L’adjudant Naessans ne s’avoue pas vaincu :
    « À vol d’oiseau, nous ne sommes pas à plus de dix kilomètres du poste de Lap-Vo. Ils ont dû entendre la fusillade, ils peuvent venir à notre secours.
    –  Lap-Vo se trouve sous le commandement du sergent-chef Œsterreicher. Il a reçu l’ordre formel de ne quitter son poste sous aucun prétexte, et je le connais, c’est un bon soldat.
    –  Il a pu prévenir Sadec par radio.
    –  Sadec commence de toute façon à s’inquiéter de notre absence, mais ils ne feront pas partir des renforts de nuit. Ce serait un suicide : il est possible que les viets n’attendent que ça. Et puis ils ne peuvent pas prévoir que notre situation est à ce point critique.
    –  Si les renforts partent de Sadec demain matin, ils seront ici vers dix heures.
    –  Et il sera trop tard. Les viets nous extermineront à l’aube, nos munitions seront épuisées. Non ; il faut s’en sortir cette nuit ou on y passe tous. »
    D’une voix faible, Geneviève Seydoux supplie Destors.
    « Lieutenant, jurez-moi de ne pas me laisser tomber vivante entre leurs mains. »
    Le caporal Le Bohec, bon vivant optimiste, croit spirituel de lancer :
    « Oh ! vous savez, ils sont montés comme des gamins, ils vous feront pas bien mal. »
    Furieux, Destors tonne.
    « Tu me feras quinze jours de placard, crétin.
    –  Avec plaisir », rétorque Le Bohec d’un ton sceptique. (Il ajoute, se tournant vers la jeune fille :) « Excusez-moi, mademoiselle, c’était manière à rigoler. »
     
    Vers neuf heures du soir Destors constate amèrement que la lune permet une excellente visibilité. Le lieutenant fait signe aux survivants qui se groupent autour de lui. Parlant à voix basse il demande :
    « Vous nagez tous ? »
    Les hommes acquiescent.
    « Qui pourrait nager sous l’eau le plus longtemps ?
    –  Il n’y a qu’à voir, suggère Naessans. Vous allez tous retenir votre respiration, on verra lequel tient le plus. »
    Destors approuve ; les hommes qui ne se sentiraient pas le courage de tenter la dangereuse traversée pourront ainsi s’éliminer honorablement.
    C’est Begin qui retient son souffle le plus longtemps et il paraît ravi de sa victoire.
    « J’y vais en slip, annonce-t-il, ça sera plus facile. »
    En silence, il enlève chaussures, chemise et pantalon. Sa peau est mate et le slip blanc – tranche violemment dans la pénombre ; tous le remarquent.
    « Je vais tout de même pas y aller à poil !
    –  Si, justement, précise Naessans.
    –  Ah bon ! moi je m’en fous après tout. »
    Tranquillement et sans se soucier de la présence de la jeune fille, Begin enlève son slip, provoquant quelques rires. Mais lorsqu’il se glisse "dans l’eau à l’aide d’un cordage, tous les hommes l’observent attentifs, retenant leur souffle.
    Begin plonge après avoir rempli ses poumons. Prenant appui sur la coque de la chaloupe, il se propulse le plus loin possible, puis il se met à nager sous l’eau dans de larges et efficaces mouvements ; il nage jusqu’à ce que ses tempes battent. Alors il remonte à la surface, expire et aspire en silence et replonge. Une pluie de balles ricoche. Begin n’entend pas

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