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Par le sang versé

Par le sang versé

Titel: Par le sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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sonnerie du téléphone intérieur situé à proximité de sa couchette retentit.
    L’appel provient du wagon de la compagnie du Génie. Raphanaud apprend que le convoi se trouve prêt à franchir le premier pont de la rivière Sông-Cât. Le capitaine connaît parfaitement l’endroit. À une dizaine de kilomètres en contrebas sur la gauche de la voie, deux affluents du Sông-Cât se rejoignent pour ne former qu’un seul cours d’eau. S’il avait été possible de faire passer la voie dix kilomètres plus bas, elle n’aurait eu qu’un pont à traverser, mais techniquement c’était irréalisable. Le train doit donc franchir successivement deux ponts distants de cinq ou six kilomètres l’un de l’autre. La largeur des deux affluents du Sông-Cât est très faible (tout au plus une dizaine de mètres) et les ponts sont en bois, soutenus par d’énormes madriers.
    Raphanaud quitte son wagon et se rend au bord du cours d’eau où quelques spécialistes du Génie inspectent scrupuleusement tous les endroits où un engin explosif aurait pu être dissimulé. Au bout d’un quart d’heure, les hommes regagnent le train, assurant que le pont n’est pas piégé.
    Le convoi s’ébranle de nouveau et traverse le pont sans difficultés. Il a parcouru environ un kilomètre lorsque se déclenche derrière lui un tir de mortier intense. Raphanaud a compris aussitôt : les viets font sauter le pont que le train vient de franchir, et il n’a pas besoin d’attendre la petite heure nécessaire pour parvenir au second pont pour savoir que celui-ci aura sauté également.
    C’était le seul piège dans lequel pouvait tomber le train blindé. La seule faille. Et l’ennemi a fini par la déceler. Le convoi va se trouver bloqué sur six kilomètres de voie, ne pouvant ni avancer ni reculer au-delà de cette distance. Le jour est levé lorsque le train arrive au second pont. Sans surprise, les légionnaires constatent qu’il est inutilisable. Les madriers de base flottent sur l’eau, enchevêtrés. Heureusement, le courant est presque nul et les lourdes pièces de bois sont retenues par des éboulements de pierrailles qui les ont empêchées de partir à la dérive. Contre toute logique, le tablier, les rails, et toute la partie supérieure du pont de bois demeurent en place, mais il est probable que le simple poids d’un homme suffirait pour que tout s’effondre.
    Raphanaud réagit immédiatement, il situe les avant-postes possibles et ordonne aux légionnaires de s’y installer par petits groupes pour prévoir toute attaque. Mais le capitaine ne croit pas à une attaque. La puissance défensive du train est connue de l’ennemi ; plusieurs bataillons pourraient être anéantis dans une offensive et Phan-Thiet ne se trouve qu’à quelques kilomètres, avec une grosse concentration du 2 e Étranger. Les viets ne peuvent pas l’ignorer.
    Noack et Lehiat rejoignent Raphanaud sur le bord de la voie. Leurs premiers mots prouvent à Raphanaud qu’ils partagent entièrement son point de vue.
    « Ils cherchent à nous emmerder par tous les moyens la veille de Camerone. Je ne vois que cette explication, mon capitaine, déclare Lehiat.
    –  Évidemment. Consultez Grandval pour savoir le temps nécessaire pour reconsolider le pont. »
    Grandval est l’adjudant-chef commandant la compagnie du Génie. Il pense que quarante-huit heures doivent suffire pour réparer les dégâts, à condition de travailler de nuit.
    Raphanaud rassemble les sous-officiers :
    « Nous sommes bloqués pendant deux jours, je ne pense pas que nous subissions d’attaque mais j’exige que vous foutiez en l’air tout l’alcool qui se trouve à bord du train, y compris la bière. Je veux que vous oubliiez l’anniversaire de Camerone, il est possible que les Viets comptent là-dessus. Le Génie va se mettre au travail séance tenante. Tout l’effectif qui n’est pas de garde se trouve à la disposition de l’adjudant-chef Grandval pour le cas où il aurait besoin de main-d’œuvre supplémentaire. »
    Phan-Thiet est alerté par radio, Raphanaud parle en personne au colonel Lerond, commandant de zone. Le colonel n’est pas inquiet, il déplore simplement l’absence des légionnaires un soir de Camerone.
     
    Aux alentours de midi, les travaux de déblaiement commencent à prendre forme. Le premier madrier est déjà dégagé, les hommes sont affairés à installer un système de palans pour tenter de le remonter à sa place initiale.

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