Paris, 1199
sot !
Vous serez la cause de la mort de votre roi !
— Arrête-toi, Guilhem ! Un mot de plus
et je te fais pendre dans la cour. Au nom de notre ancienne amitié et pour
respecter la parole que t’a donnée Philippe Hamelin, nous te laissons partir.
Mais tu auras quitté Paris ce soir ! Est-ce clair !
— Que l’official libère au moins deux femmes
nommées Anna Maria et Sanceline, elles ne sont pas cathares !
— Cela n’est pas de notre juridiction, laissa
tomber le prévôt.
Fou de rage, Guilhem fit un pas pour se jeter sur
lui, mais Cadoc se dressa pour l’empêcher, l’épée à demi sortie.
— Par le Diable, sors d’ici ! rugit-il.
Guilhem comprit qu’il faisait une folie et se
maîtrisa. Il planta pourtant ses yeux dans ceux du mercenaire avant de
dire :
— Je t’obéis, Cadoc ! Mais n’oublie pas
mes paroles : il viendra un temps où les chiens auront besoin de leur
queue !
Il leur tourna le dos et partit.
Ils quittèrent le Palais dans un silence sinistre.
Bartolomeo songeait à sa sœur, à ce qu’il pourrait tenter pour la sauver.
Guilhem, lui, examinait toutes sortes d’entreprises, mais aucune n’était
réalisable, surtout à deux et en si peu de temps.
Il songea alors qu’il prenait le problème à
l’envers. Les prisonniers étaient inaccessibles, mais pas les Templiers. Eux
étaient dans le manoir, avec l’archer anglais. S’il parvenait à y pénétrer, à
capturer Malvoisin ou Beaumanoir, il saurait obtenir leur confession. Mais
comment entrer ? Les étroites fenêtres du premier étage étaient protégées
par d’épaisses grilles. Le double portail était clouté. Peut-être Bartolomeo
pourrait-il accrocher un filin aux colonnettes du deuxième étage. Mais
après ? Le manoir était plein d’hommes d’armes et de sergents du Temple.
Finalement, il était tout autant impossible de
sortir Malvoisin ou Beaumanoir de là que Robert de Locksley du Louvre ou les
deux femmes de leur prison.
Certes, il pourrait s’en prendre à l’archer quand
il sortirait du manoir du Temple avec Bracy et Malvoisin. Mais si les tuer tous
les trois sauverait Philippe Auguste, cela n’innocenterait pas Robert ni ne
permettrait la libération d’Anna Maria et de Sanceline. C’était donc une vaine
entreprise.
Il s’efforça de faire le vide dans son esprit et
d’anticiper ce qui allait se passer pour trouver des faiblesses dont il
pourrait profiter. Quand il était capitaine de Mercadier et de Cadoc, il avait
souvent tiré parti de telles spéculations avant une expédition.
À Notre-Dame, l’archer tirerait sur Philippe
Auguste. Puis les Templiers le ramèneraient au manoir pour le faire
disparaître, à moins que ceux qui l’aient accompagné ne le tuent sur place. En
aucune manière ce pauvre garde-chasse ne devrait parler et raconter ce qu’il
savait.
Le roi mort, Robert de Locksley serait au moins
disculpé d’être son assassin. On l’interrogerait, il parlerait et accuserait
Bracy, Beaumanoir et Malvoisin, comme lui-même venait de le faire au Palais,
devant Cadoc et le prévôt.
La position de Beaumanoir serait alors difficile.
Si le prévôt de Paris questionnait les gens du manoir du Temple, il pourrait
bien y avoir un serviteur qui parle d’Hubert.
Le grand maître ne pouvait ignorer cela. Or,
l’homme qui avait conçu l’assassinat de Richard Cœur de Lion par procuration
avait prouvé qu’il était fin stratège. Il avait certainement tout prévu pour ne
pas être soupçonné.
Guilhem songea à ce que Bartolomeo avait
suggéré : que Locksley aurait fait un bon coupable si les Templiers
l’avaient capturé. Ils n’auraient eu qu’à livrer son cadavre en assurant qu’il
était le seul meurtrier.
Mais ce n’était plus possible.
Comment Beaumanoir allait-il se disculper ?
Avait-il prévu de fuir ? Il perdrait alors toutes ses charges dans l’ordre
du Temple, tout comme Malvoisin. Quant à Bracy…
Bracy ne venait plus au Louvre, avait dit le
prévôt. Il n’était pas au banquet. Était-il déjà en fuite ? Pourtant,
d’après le portrait qu’en avait fait Locksley, ce n’était pas un lâche.
Où était-il ? Sans comprendre pourquoi,
Guilhem sentit que cette question était importante.
La vérité le frappa alors d’un seul coup. Lucas de
Beaumanoir allait faire passer Bracy comme le maître d’Hubert et l’organisateur
du complot ! Si Bracy n’était pas au banquet et s’il ne venait plus au
Louvre, c’est
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