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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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de ces tant bonnes gens.
    Miroul,
remettant dans les fontes le pistolet qu’il avait, comme nous tous, sous sa
fesse, démonta en un battement de cil et jetant à Giacomi la longe de son
cheval de bât, il me bailla les rênes de son hongre, et léger, fluet, le pied
pesant peu sur le sol, il s’avança jusqu’au tournant, et là au lieu que
d’avancer par degrés le museau jusqu’à voir de l’autre côté, je le vis
escalader l’abrupt et quasi vertical rocher que le chemin, en bas, rondissait,
et par degrés, s’élever le long d’un mur, en haut de la rude paroi.
    — Quelle
émerveillable agilité ! dit Giacomi avec une quiétude et une sérénité qui
ne laissèrent pas même de m’émerveiller en l’âpreté de notre prédicament. Avec
votre permission, mon frère, j’instruirai Miroul en mon art. Combien qu’il ne
soit pas né, il mérite cette condescension.
    — Je le
cuide aussi. Et n’est-ce pas pitié qu’un honnête drôle, franc comme écu non
rogné, vaillant, loyal, ayant au surplus bon et délié entendement et grande
adresse de corps, ne peuve aspirer plus haut qu'a l’état de valet s’il a vu le
jour, par malheur, dans le plat pays en chétive masure ?
    — Il
pourrait avancer plus haut, dit Giacomi, s’il était d’Église, sachant lire et
écrire, ou mieux encore, s’il suivait la fortune des armes. Mais il faudrait
vous quitter et il ne le fera point. Il nourrit pour vous une trop grande
amour.
    — Et
comment pourrais-je souffrir, moi, qu’il me quitte ? dis-je non sans quelque
émeuvement. Je le chéris aussi, tout valet qu’il soit.
    Et cependant,
tandis que je disais ceci, affectant de jaser d’un ton tranquille avec Giacomi,
en dépit de l’anxiété du moment, laquelle restait pour ainsi dire souterraine
en moi, il ne m’échappa pas que je préférais ma propre commodité à l’avancement
de Miroul.
    Et ce
pensement me donnant contre moi de l’humeur, et Miroul à cet instant à moi s’en
revenant, je lui dis avec quelque rudesse :
    — Tu fus
bien long. Pourquoi cette escalade ?
    — Moussu,
dit Miroul dont l’œil marron s’attrista tandis que son œil bleu restait froid
(signe qu’il était fort navré de mon reproche), je voulais avoir de là-haut de
plongeantes vues sur les fontes des chevaux, lesquelles, à vrai dire, m’ont
paru vides de pistolets, pistoles ou arquebuses. Cependant, à la queue de cette
petite bande qui ne compte pas plus de sept hommes, j’ai vu deux montures sans
cavalier, ce qui veut dire peut-être que deux de ces coquins sont en embûche
sur l’abrupt coteau de Taniès pour nous tirer comme des pigeons.
    — La
merci à toi, Miroul, dis-je fort vergogné de mon impatience, je n’eusse pas
fait si bien. As-tu vu ce traître de Fontenac ?
    — Oui-da,
dit Miroul, en pourpoint et toque cramoisie, et fort raide sur un grand
chattemite de cheval blanc qui tâche de nous faire accroire que l’âme de mon
maître est de même couleur.
    Et combien que
je ne trouvasse pas cette saillie fort bonne, j’en ris à gueule bec pour mettre
quelque baume sur la navrure que j’avais faite à mon gentil valet.
    — Miroul,
dis-je, attache le cheval de bât à la branche tordue de ce figuier qui s’essaye
à pousser entre les pierrailles du coteau, remonte en selle, tire en l’air le
coup que tu as dit et recharge.
    Tandis que
Miroul faisait comme je lui commandai, Giacomi détacha de son épaule sa cape
et, ayant ramené son deuxième pistolet plus commodément de dessous sa fesse
entre ses longues cuisses, jeta le mantelet sur ses genoux.
    — Samson,
dis-je, ne soyez point si rêveux et songeard. Je vous sais vaillant, soyez vif.
Et ramentevez-vous à faire feu promptement, s’il le faut. Ce Fontenac est le
fléau de Mespech. On vous l’a dit cent fois.
    — Je m’en
ramentevrai, dit Samson.
    Je prononçai
alors un Notre-Père à voix basse que tous trois reprirent et ayant fait le
signe de la croix sur mon front, mes lèvres et sur mon cœur, je dis d’une voix
gaillarde et enjouée comme eût fait mon père à ma place :
    — Compagnons,
le jour est à nous. Allons !
    On piqua mais
fort doux, l’épée nue pendant par la dragonne au poing et celui-ci serrant un
pistolet, les chevaux au pas et dressant fort l’oreille, et quant à nous, l’œil
de chacun de-ci de-là épiant, et le cœur nous toquant, comme bien on pense,
sous la contrefaite impassibilité. Dieu sait le temps que prit le damnable
tournant du

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