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Paris vaut bien une messe

Paris vaut bien une messe

Titel: Paris vaut bien une messe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Pyrénées,
viendrait appuyer les gentilshommes de la cause et leurs mercenaires allemands
ou anglais lorsqu’ils affronteraient les soldats du roi.
    Don Juan s’interrompit, frappant du talon le parquet avant
de reprendre :
    — Nous mettrons ainsi notre pied sur la gorge du mignon
Henri III qui apporte contre nous son aide aux protestants des Pays-Bas.
Et Catherine de Médicis, qui envoie une flotte contre nos possessions d’Amérique,
se souviendra de l’engagement qu’elle avait pris d’être toujours à nos côtés.
    J’entendais les approbations de Diego de Sarmiento.
    Lui qui, il y avait seulement quelques heures, souhaitait
que le pape excommuniât le roi de Navarre, ce renégat qui changeait de religion
plus souvent que de chausses, se félicitait maintenant que Philippe II se
déclarât prêt à offrir sa fille, infante d’Espagne, à ce satrape, s’il abjurait
une nouvelle fois sa cause.
    — Donc, ajouta don Juan, proposons-lui les écus, et, s’il
les refuse, nous les verserons à Henri de Guise et à la Ligue catholique pour
qu’ils fassent plier les genoux à Henri III et à Catherine.
     
    Dieu, où étiez-Vous dans toutes ces manigances ?
     
    J’avais le sentiment d’avoir été berné et bafoué, comme
Vous !
    Lorsque j’avais combattu en Andalousie aux côtés de don Juan
d’Autriche, j’avais cru que nous tuions pour Votre plus grande gloire, parce
que ces Maures menaçaient notre foi et que leur conversion n’était qu’un masque
cachant leur haine de Votre Église.
    Je me souvenais de Lela Marien dont le nom était Aïcha et
qui avait brandi contre nous un sabre courbe.
    Puis notre sainte guerre s’était poursuivie à Lépante. Don
Juan commandait alors la flotte de la Sainte Ligue.
    Vico Montanari m’avait dit qu’une immense statue de don Juan
avait été dressée sur une place de Messine pour honorer le vainqueur des
infidèles. Et, maintenant, c’était lui qui voulait conclure, au nom de son roi,
une alliance avec les huguenots, ceux-là mêmes dont Diego de Sarmiento avait
voulu, ordonné, organisé le massacre !
    Je gardais souvenir que j’avais, au début de ma vie,
condamné mon père, qui, au nom de son roi, François I er , avait
recherché l’alliance avec les infidèles.
    J’eus envie de crier quand, redressant la tête, je découvris
de nouveau le déguisement de don Juan d’Autriche. La couleur noire de sa peau
n’était pas teinture, mais vérité de son âme.
    Il était devenu infidèle au Christ.
     
    J’ai pensé à cet instant que tous ceux – Sarmiento ou don
Juan, et, dans l’autre camp, mon père autrefois, à présent mon propre frère
Guillaume ou Séguret, et sans doute aussi ce Henri de Navarre – qui
invoquaient le Christ tout en s’en prétendant les hérauts, en fait, le
trahissaient.
    C’était ce que m’avait dit, sur le quai de Messine, Michele
Spriano. Les religions, celles des infidèles, des hérétiques, comme notre
sainte foi catholique, étaient tombées entre les mains des habiles, masques
derrière lesquels se cachaient les rictus de leurs bouches avides.
    Plus près de Dieu m’avaient paru ceux qui ne Le nommaient
que dans la prière et non en politique.
    Dieu Lui-même le savait.
    J’ai revu cette tête de christ aux yeux clos que j’avais
enfouie au pied d’un chêne, dans la forêt qui entoure le Castellaras de la Tour.
    Ce christ pleurait.
    Il connaissait les mensonges des hommes et c’est pour ne pas
se détourner d’eux à jamais qu’il préférait fermer les yeux.
     
    J’ai ainsi maudit et méprisé ceux qui se servaient de Dieu
pour cacher leurs parjures, leurs sordides besognes, même s’il me fut échu
d’être leur compagnon d’armes et leur messager.
    Je reconnais, Seigneur, ma faiblesse. Je ne suis pas
meilleur qu’eux.
    Mais peut-être ai-je, avec le temps, tenté de le devenir.
     
    Lorsque Diego de Sarmiento et don Juan d’Autriche m’ont
proposé de partir pour Nérac afin d’y rencontrer Henri de Navarre et de lui
faire connaître les propositions du roi d’Espagne, j’ai eu l’impression qu’un
souffle d’air emplissait ma poitrine et que je me redressais comme une voile
enfin tendue.
    Sarmiento s’est approché de moi et a posé les mains sur mes
épaules, la tête tournée vers don Juan.
    — Vous le connaissez, dit-il. Bernard de Thorenc a été
de toutes les batailles, de toutes les saintes causes.
    Don Juan hocha la tête. Il parla de Grenade, de Lépante.

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