Qui étaient nos ancêtres ?
cinquante ans, sont sans doute mariés et pères de famille. Leurs femmes et leurs enfants ne les reverront pas… Sauront-ils seulement, un jour, la fin tragique qui a été la leur ?
Et il y a les loups ! Jusqu’à la fin du XIX e siècle, ils ont rôdé, en Limousin ou dans les Vosges. Ils peuplent les forêts, n’hésitant pas à s’approcher des bourgs et des villes lorsqu’un hiver trop rude les affame, ni à attaquer les hommes, mais surtout les animaux et les enfants, qui leur sont autant de proies faciles. Les archives des anciennes paroisses sont émaillées de leurs méfaits, décrivant des cadavres horriblement mutilés d’enfants que la bête avait surpris seuls, alors qu’ils gardaient les oies ou les moutons. Tapie sous les taillis, elle avait bondi dans le pré, et, le troupeau s’étant enfui, elle s’était rabattue sur l’enfant moins preste.
Des siècles durant, les loups ont été si présents que les maîtres des Eaux et Forêts devaient constamment organiser des battues, et qu’on les a, au Moyen Âge, pendus eux aussi haut et court. Dans l’espoir de faire fuir leurs semblables, on laissait longtemps pourrir leur dépouille, en des endroits encore nommés aujourd’hui Panloup ou Longpendu, qui ont été à l’origine de patronymes comme Dupanloup.
Grands hyvers et endettements :
quand nos ancêtres ont dû brouter les prés
Qu’elles soient l’expression ou non de la vengeance céleste, pluies diluviennes, grandes sécheresses et hivers trop rigoureux entraînent toujours des conséquences dramatiques.
Une canicule qui dure compromet presque la survie. Si, en 1623, le curé de Charnay note dans ses registres que « depuys la Saint Jehan jusques à la Toussaint, l’eau a été plus rare que le vin », nombreux seront ensuite les étés catastrophiques : 1632, 1694, 1778, 1793, 1803, 1817, 1825, 1842, 1857, 1858… les plus durs ayant été ceux des années 1718 et 1719, qui succédaient à une sécheresse totale de janvier à avril, accompagnée de très fortes gelées de printemps. Ces années-là, on vit des hommes obligés de tourner eux-mêmes les roues des moulins à eau, que les rivières asséchées ne pouvaient plus actionner.
Et que dire des hivers ! On a vu les hommes de l’Oise, paralysés par le gel, rester impuissants, en janvier 1784, devant leur village entier consumé par un incendie. Et qui n’a entendu parler du terrible hiver de 1709 !
En voici le récit, grâce, encore une fois, à des prêtres qui ont tenu à témoigner. Le premier est Messire Jorhant, curé d’Êtrelles, en Ille-et-Vilaine, qui écrit : « Le sixième jour de janvier, jour des Roys 1709, vers les deux heures et demie d’après-midy, il commença un froid terrible par un vent du haut, et continua pendant dix-huit jours de suite, la terre étant couverte de neige, ce qui consternait les blasteries (les blés semés en automne). » À Paris, le thermomètre descend jusqu’à –23° C et reste plus d’une semaine au-dessous de –20. Le curé d’Ezy, dans l’Eure, ajoute qu’« il geloit jusques au coin du feu et le vin auprès du feu ne dégeloit qu’à peine. (…). Les hommes avaient bien de la peine à s’échauffer, surtout la nuit, et plusieurs brûlèrent icy leurs lits pour les échauffer (…). Il fallait de l’eau bien chaude pour faire l’eau bénite ». Un témoin, près de Poissy, raconte encore que « les arbres dans les forêts pétaient comme des coups de fusil », en se fendant en deux sous l’action du gel. Le bétail, lui aussi, a froid. Les oiseaux meurent dans les haies. En Anjou, on raconte que la crête des coqs tombe ! À Versailles, le château étant inchauffable, un page a une main gelée et l’on envisage de lui couper les doigts.
Le dégel arrive, mais n’est qu’un répit, et d’autres vagues de froid se succèdent durant plusieurs semaines, ce qui, aux dires de Messire Johrant, « n’a laissé ni choux, ni romarins, ni boutons de poiriers (…), que la fourmille a gelé, que l’on ne voit presque plus de ramiers ni de merles ». En avril, aucun champ semé n’offre donc la moindre pousse et, le printemps venu, le calvaire n’en est pas pour autant terminé, bien au contraire. Le prix du blé flambe, multiplé par plus de huit dans certaines régions. Le marché noir s’installe. La famine règne. Dans la région d’Autun, on voit de pauvres êtres « décharnés, la peau collée sur les os, couchés sur le pavé
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