Qui ose vaincra
mitrailleurs et s’éloignent, en courant, à
travers les arbres qui les protègent momentanément. Le Berrigot est en tête. Il
arrive à un fossé qui serpente en larges lacets à travers arbres et végétation.
Il est profond de près d’un mètre. Sans hésiter, le parachutiste suivi de ses
compagnons s’y engage. À l’endroit où le fossé fait un « S », Judet
ordonne d’arrêter la fuite.
« Là, on ne
trouvera pas mieux, on peut se couvrir de tous les côtés. »
Effectivement, les S.A.S.
sont attaqués de tous les côtés. Et autour d’eux le cercle se resserre
inexorablement. Les gosses font preuve d’une témérité démoniaque. Économisant
leurs munitions, les Français tirent coup par coup. À quatre reprises Judet
fait mouche, il abat avec certitude quatre Allemands.
« Faites comme moi !
Tirez à l’homme ! » gueule-t-il.
Mais la précision des
coups des Français ne freine pas l’avance de leurs jeunes agresseurs. Ils s’exposent
tombent, alors que maintenant ils ne peuvent pas ne pas être conscients de la
faiblesse de leur proie.
Dans un véritable
carnage, les S.A.S. épuisent leurs munitions. Ils ont tenu une dizaine de
minutes. Il leur reste plus que leurs Coïts, en trente secondes ils en vident
les chargeurs. Judet déclare calmement :
« Je n’ai plus qu’une
balle. »
Sans émotion il la tire
dans le poste de radio Eurêka.
« Enterrez tous vos
dagues de commando », ordonne-t-il.
Les parachutistes s’exécutent
sans conviction. Les conventions de Genève semblent bien dépassées.
« Il vous reste des
balles dans les Colts ? demande Judet.
— Trois.
— Deux.
— Une.
— Quatre.
— Allez, debout !
On avance ! »
Les cinq parachutistes
évacuent le fossé, pistolet au poing. Ils tirent jusqu’à leur dernière
cartouche. Seul Neuwirth est atteint par la riposte. Il reçoit une balle dans
la cuisse qui lui frôle le sexe, une dans l’épaule, une dans la cheville. Il
tombe, sonné, mais ne reste inconscient qu’une petite minute.
Lorsqu’il revient à lui,
ses quatre compagnons sont debout, mains en l’air, entourés par les Allemands
qui braquent sur eux leur Sturm Gewehr.
« Ça va, Lulu ?
demande Judet, qui s’est aperçu que son ami reprenait connaissance.
— Ça va ! Mais
je reviens de loin. J’en ai pris trois, et il y en a une qui m’a rasé les
couilles.
— Essaie de te
lever et de suivre. Ce sont d’odieux gamins, fous furieux. Ils sont capables de
tout. »
Dans un douloureux
effort, Neuwirth se hisse à quatre pattes, puis de sa jambe intacte il se
relève. Il constate alors seulement l’âge de leurs « vainqueurs ».
Ils sont une bonne
centaine parmi lesquels il ne distingue que deux adultes, deux sergents
handicapés qui, visiblement, échangent des propos concernant leur sort. Mlains
en l’air, les parachutistes sont poussés vers une proche clairière. L’un des
sous-officiers les fait disposer en rang. Instinctivement Judet comprend.
« Je ne connaîtrai
jamais mon fils, crie-t-il. Adieu les gars ! »
Un an auparavant Judet s’était
marié à Londres avec une Anglaise, et sa femme était sur le point d’accoucher.
Un ordre retentit. Les
dents serrées, une dizaine de gamins lâchent leur rafale pratiquement à bout
portant. Les parachutistes s’écroulent. De nouveaux ordres fusent ; pendant
que les jeunes bourreaux changent les chargeurs de leurs armes, le révoltant
bataillon se regroupe.
En chantant, les enfants
regagnent leurs camions et reprennent la direction de leur « école ».
Lucien Neuwirth a
immédiatement compris qu’il n’était pas atteint. Il a pourtant senti un violent
impact à hauteur de son cœur, un choc qui a entraîné son buste dans un
mouvement de déséquilibre dans lequel il s’est laissé choir.
Les yeux clos, respirant
à peine, il a fait le mort. La bouche ouverte, il s’est contraint à rester
pétrifié plus, de cinq minutes, guettant le moindre bruit insolite. Il n’a
perçu que ceux de la forêt. Alors il ouvre les yeux et, prudemment, il tourne
la tête. Les Allemands sont bien tous partis ; il pourrait penser qu’il
vient de rêver un cauchemar si les corps de ses amis gisant à ses côtés n’apportaient
le pitoyable témoignage de la cruelle tuerie.
Seul Judet est tombé en
avant. Olivier, Legras et Le Berrigot se sont écroulés sur le dos. Les trois
hommes ont les yeux grands ouverts, ils paraissent chercher
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