Raimond le Cathare
qui font sonner leurs cloches chaque dimanche.
Ils ont fait couler notre sang mais nous ne les haïssons point Au contraire,
nous les respectons.
Le cardinal-légat Bertrand se lève
et brandit sa crosse.
— Pas un mot de plus !
L’amitié pour Toulouse est un péché. Mon fils, tu feras pénitence pour de tels
propos. Durant deux jours, tu ne prendras que du pain et de l’eau.
— Et je ne ferai pas un jour de
plus que ma quarantaine, qui s’achève bientôt ! lance Amaury de Craon,
avant de regagner sa tente.
*
* *
Trois jours plus tard, la
construction de l’engin ennemi est achevée. Cette machine de guerre a les dimensions
d’un monument. Dans cet abri roulant démesuré, plusieurs centaines de soldats
et quelques chevaux peuvent prendre place sur deux étages. Montée sur huit
roues, poussée et tirée par plusieurs dizaines d’hommes et des attelages de
bœufs, la chatte avance lentement vers nous. Le chemin est long à parcourir
jusqu’à nos murs, où des milliers de personnes se sont massées pour découvrir
cet engin aux proportions invraisemblables. Pour protéger leur machine, des
centaines de chevaliers ennemis se déploient dans la prairie et avancent vers
la ville. Autour du gigantesque abri roulant, on s’échine à grands cris.
Montfort, pour donner l’exemple, met pied à terre et s’arc-boute contre l’une
des roues. Il menace des pires sévices ceux qui ne poussent pas assez fort. La
toiture et les côtés sont renforcés par des plaques de fer et la machine est si
lourde qu’elle s’immobilise dans chaque ornière. Ses servants s’épuisent à la
dégager avant de reprendre leur laborieuse progression.
Nous avons le temps de disposer plusieurs
catapultes. L’ingénieur Parayre et le charpentier Garnier dirigent leur
installation. Les armes de jet n’étant plus utiles sur les berges, ils les
transportent sur le rempart méridional pour accueillir la chatte.
Parayre, estimant qu’elle est arrivée
à notre portée, ordonne le premier tir. Deux femmes, l’une poussant le levier
et l’autre le tirant, déclenchent l’immense bras de la catapulte, qui décrit
dans le ciel un vaste arc de cercle. Le sac de cuir fixé à l’extrémité libère
le bloc de pierre qui part en tournoyant pour aller tomber à quelques pas de la
chatte, écrasant un routier ennemi. Le monstre de bois et de fer continue
d’avancer en cahotant, mais plus l’abri s’approche, plus il s’expose. Les
engins de moyenne portée entrent en action. Onagres, trébuchets et mangonneaux
ajustent des tirs tendus. La prairie est bientôt parsemée de blocs de pierre et
jonchée d’hommes ensanglantés.
Soudain, dans un grand tracas, un
projectile tombe sur le toit de la chatte, qui s’affaisse sous le choc. Une clameur
de joie monte de nos rangs. Lorsqu’elle retombe, on peut entendre les
hurlements des blessés écrasés dans leur abri par les plaques de métal et les
poutres brisées. Presque aussitôt d’autres tirs cassent les jambes de deux
hommes qui poussaient l’engin.
Montfort invoque le ciel et hurle
ses ordres. Toute la nuit durant, ils travaillent autour de l’abri pour
reconstruire sa toiture et consolider une roue.
Toulouse, 25 juin 1218
À l’aube, Montfort assiste à la
messe dans la chapelle du château Narbonnais. Il prie Dieu de lui donner
aujourd’hui la victoire ou la mort.
Pendant ce temps, l’abri roulant
continue d’approcher. Il est maintenant sous le tir de nos archers et de nos
arbalétriers postés dans les tranchées les plus avancées.
Guy de Montfort, qui commande les
opérations, doit faire face à un harcèlement incessant. Tantôt ce sont les
cavaliers toulousains qui sortent au galop, jetant des torches pour incendier
l’engin, tantôt ce sont les rochers et les dards qui s’abattent de tous côtés à
la fois.
Tout à coup, il est soulevé vers le
ciel par son cheval qui se cabre violemment un carreau d’arbalète profondément
enfoncé dans l’œil. L’animal s’écroule foudroyé. Guy de Montfort, la jambe
prise sous le cadavre de sa monture, peine à se relever. Un archer toulousain
prend le temps de le viser soigneusement. Sa flèche vient transpercer la cuisse
d’où le sang jaillit aussitôt.
Alerté, Simon de Montfort a quitté
la chapelle pour bondir en selle. Un instant plus tard, il est là, saute à
terre et se précipite vers son frère au milieu de la bataille. Les nôtres se
replient un instant derrière les
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