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Raimond le Cathare

Raimond le Cathare

Titel: Raimond le Cathare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Dominique Baudis
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sur les
chariots alignés le long de la route.
    Arnaud Amaury, entouré des évêques,
a célébré une messe en plein air. Le légat élève le corps du Christ au-dessus
des milliers de têtes inclinées. Les hommes agenouillés reçoivent la
bénédiction du chef de la croisade avant d’aller se vêtir de fer.
    Nous marchons vers le sud en
longeant le Rhône qui porte sur ses eaux les navires ventrus, lestés du poids
de tout le matériel. Plus rapides que l’armée, les bateaux qui descendent le
cours du fleuve nous devancent. Ils vont aller accoster en aval, le long du
site qui nous accueillera ce soir.
    Sans qu’on m’y ait invité, je
rejoins le groupe de tête, accompagné de Raimond de Ricaud, d’Hugues d’Alfaro
et de Bertrand.
    Le sang et l’or de l’étendard
toulousain viennent rejoindre les couleurs des blasons venus de toutes les
contrées du nord. Beaucoup me saluent avec chaleur et amitié. Je les connais
pour les avoir rencontrés lors de conseils réunis autour de Philippe Auguste.
Ils ne me considèrent pas comme un ennemi et ma présence les soulage :
elle signifie que la croisade ne pourra s’en prendre à mes terres. Puissants,
nantis, attachés à leurs possessions, ils ne convoitent pas les miennes. Ce
n’est pas l’esprit de conquête qui les anime. Ils sont venus pour répondre aux
réquisitions pressantes et répétées du pape. Ils n’attendent que des
indulgences spirituelles et la bienveillance pontificale ; un grand
bénéfice moral et politique au prix, bien léger, de quarante jours de
pèlerinage armé. C’est peu en comparaison des années que durent les voyages en
Terre sainte.
    Mais tous ne sont pas aussi
détachés. J’aperçois, chevauchant derrière nous, quelques féodaux sans terre
dont je jurerais bien que ma province les intéresse au plus haut point. Un
Lévis ou un Montfort, par exemple, dotés de petits fiefs en terre de France,
sont prêts à fondre sur la « proie » que leur désignera Arnaud
Amaury.
     
    *
* *
     
    Nous traversons mon pays de
Provence. Les chemins et les champs sont vides. La campagne semble déserte mais
des milliers de regards nous observent avec inquiétude. Blottis dans la
pénombre de leurs maisons, dissimulés dans un taillis, juchés dans le feuillage
des arbres, allongés dans le creux d’un fossé, les habitants découvrent avec
stupéfaction la plus grande armée jamais vue dans la vallée. Seuls ceux qui ont
vu les Croisades en route vers Jérusalem ont déjà pu contempler une force aussi
redouble. Il suffirait de peu pour que la masse compacte désagrège et se
répande : la vue d’une jeune fille traversant un champ, les épaules
dénudées, ou l’odeur d’un cochon grillé venant aux narines des marcheurs. La
moindre tentation peut provoquer à chaque instant la débandade dévastatrice.
Mais ordre a été donné de respecter les habitants, le bétail et les cultures. À
l’arrière-garde, les sergents d’armes veillent à ce que des groupes de ribauds
ne s’écartent pas pour pénétrer dans les fermes et les piller.
    Si je n’étais pas dans la croisade,
au nom de quoi les empêcherait-on de ravager les terres de mes vassaux ?
Rien ne les retiendrait et la vallée serait jalonnée de fermes incendiées, de
villages mis à sac, de récoltes brûlées, d’animaux égorgés.
    Ma présence rend inoffensif le
gigantesque serpent qui ondule le long du fleuve, prêt à infliger au moindre
prétexte sa morsure mortelle ou l’étouffement fatal dans ses anneaux puissants.
    Le monstre qui hantait mes nuits
s’est métamorphosé. Il a pris forme dans ce reptile si longuement déployé qu’on
ne peut en apercevoir simultanément les deux extrémités. Arnaud Amaury en est le
cerveau. Sur quelle proie va-t-il lâcher l’armée qui marche derrière nous à
perte de vue ?
    Quoi qu’il en soit, mon arrivée dans
la croisade l’empêche de lancer ses troupes à travers mes terres et à l’assaut
de mes villes.
    Je pense avoir désorienté sa stratégie.
Je finis même par croire que les forces rassemblées sur le Rhône en cet été
1209 resteront dans l’Histoire comme la « croisade sans objet ».
    Mes illusions seront vite dissipées.
Je vais, soudain, découvrir que je me suis trompé en croyant surprendre mes
adversaires. Le pape et son légat avaient tout prévu.
    En échange d’une bourse pleine,
Raimond de Ricaud, mon sénéchal, a pu se procurer dans l’entourage du duc de
Bourgogne copie d’une

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