Raimond le Cathare
silencieuses à
Noël, pourront sonner à toute volée pour célébrer les fêtes de Pâques. Les
fidèles pourront à nouveau entendre la messe, se marier, recevoir le baptême,
l’Eucharistie et l’extrême-onction. L’excommunication dont les capitouls sont
frappés depuis qu’Arnaud Amaury a lu leur correspondance pleine d’impertinence
est également levée.
Pour le meurtre du légat,
Innocent III se montre plus circonspect. Sa magnanimité n’ira pas jusqu’à
me disculper du crime dont l’accusation pèse toujours sur moi. Plus de deux ans
après l’assassinat, la lumière n’a toujours pas été faite sur la mort de Pierre
de Castelnau. Plus le temps passe et plus il devient difficile d’établir la
vérité. On prétend que le meurtrier se trouve dans mon entourage. Je ne le
connais pas. Pour dire vrai, j’en connais plus de dix qui se sont vantés de ce
crime ou qui ont accusé tel ou tel. Or l’assassin a agi seul. Afin de trancher
mon cas, Innocent III arrête une procédure. Un concile se réunira à
Saint-Gilles pour m’entendre. Si je parviens à convaincre ce tribunal, celui-ci
m’absoudra. En revanche, si le concile ne veut pas lever l’accusation, il devra
remettre l’affaire entre les mains du pape qui jugera lui-même. Les légats
peuvent reconnaître mon innocence, mais ils n’ont pas le droit de me condamner.
Innocent III se réserve la décision finale. C’est peut-être la sortie du
labyrinthe…
En attendant qu’on fixe la date de
ce concile, je rentre à Toulouse, au terme d’un trop long voyage.
Toulouse, printemps 1210
L’état de déchirement dans lequel je
trouve la ville me désespère. Toulouse est divisée en deux camps dressés
violemment l’un contre l’autre dans des affrontements brutaux. Chaque jour, des
maisons sont attaquées et pillées. Le soir les rues sont vides et abandonnées
aux compagnies armées, qui se tendent des guets-apens, croisent le fer et se
pourchassent dans les ruelles. On compte chaque nuit plusieurs blessés. Au
petit matin, les victimes gisent dans des flaques de sang.
Toulouse est au bord de la guerre
civile. C’est l’œuvre de notre évêque Foulques. Au début de l’automne, quand
j’étais sur le chemin de Paris et de Rome, il s’est employé à organiser une
secte armée qu’il a baptisée la « Confrérie blanche ». Commandée par
quelques chefs de grandes familles tels que Pierre de Saint-Romain ou Arnaud
Bernard, elle compte des centaines d’hommes, ardents catholiques et favorables
à la croisade. Comme les soldats de la guerre sainte, ils portent une croix
cousue sur leurs vêtements de combat. Disposant à son gré de cette milice,
Foulques lance des actions punitives contre des familles hérétiques et,
surtout, contre les usuriers. En dressant ses partisans contre les prêteurs,
l’évêque trouve deux avantages. D’une part, il allège le poids de l’héritage
légué par son prédécesseur, mon ami Raimond de Rabastens, qui ne lui a laissé
dans les caisses de l’évêché que des reconnaissances de dettes. D’autre part il
peut, sous prétexte de faire respecter l’interdiction ecclésiastique de
l’usure, frapper les juifs et les hérétiques qui ne sont pas tenus par les
mêmes règles.
Pour contrer les attaques de la
Confrérie blanche, une Confrérie noire s’est aussitôt organisée. Elle peut
aligner autant d’hommes en armes que la milice adverse. Les Blancs dominent la
Cité, autour de la cathédrale. Les Noirs sont plus nombreux à Bourg, autour de
Saint-Sernin.
J’ai réuni au château Narbonnais mes
plus proches conseillers. Dans la tour Gaillarde, chacun pris sa place autour
de la table. Les événements de la nuit ont été terribles. Les deux confréries
en viennent maintenant à se lancer à l’assaut l’une de l’autre dans des
attaques de cavalerie sous les remparts ou sur les places de la ville.
Raimond de Rabastens me rapporte la
dernière phrase de Foulques : « Dieu est venu mettre entre les
Toulousains, non une mauvaise paix, mais une bonne guerre, voilà ce que m’a dit
notre évêque. »
Foulques pousse les Toulousains à se
battre entre eux pour qu’ils s’exterminent, car il sait que nulle croisade ne
pourrait venir à bout de la résistance de la ville.
Au milieu de ces désordres sanglants
arrive Arnaud Amaury. Il a tenu à venir mettre en œuvre les directives
pontificales. Elles lui sont désagréables mais, en agissant
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