Raimond le Cathare
des Bons Hommes. D’ignobles
chroniques avaient répandu d’abominables calomnies faisant d’elle une femme
lubrique et incestueuse. Les ribauds et les soldats lui ont fait subir leurs
plus bas instincts avant de la jeter au fond d’un puits et de l’ensevelir sous
les pierres jusqu’à ce que cessent ses hurlements.
Les Toulousains pris à Lavaur sont
traités comme des prisonniers de guerre. Je fais porter une forte rançon pour
obtenir la libération de Raimond de Ricaud. Il revient à Toulouse désespéré par
la mort des siens.
Les hommes de la Confrérie blanche
rentrent aussi. Ils franchissent nos portes au pas lent de leurs chevaux. Plus
d’étendard glorieux, plus de croix sur leurs vêtements, plus d’uniforme de
miliciens. Sans un mot, ils se dispersent pour regagner leurs foyers. Il n’y a
plus de Confrérie blanche.
Entrés dans Lavaur au chant du Veni
Creator , ils en sont sortis en pleurant à chaudes larmes. Tous
connaissaient plusieurs chevaliers parmi ceux qui furent égorgés sous leurs
yeux. Les prières désespérées de leurs amis massacrés resteront à jamais dans
leurs oreilles. Les chevaliers faidits étaient, pour la plupart, de fidèles
chrétiens animés par l’amour de leur pays. Ils voulaient le défendre contre
l’invasion et rester fidèles à leur serment prêté aux Trencavel. Or, dans le
pré ensanglanté où gisaient les chevaliers au pied de leurs bourreaux, les
hommes de la Confrérie blanche ont compris que l’étendard de Simon de Montfort
n’était plus celui d’une croisade au service de la paix de Dieu, mais celui
d’une guerre au profit des ambitions d’un conquérant. Dans ce qu’ils croyaient
être un combat entre l’armée du Christ et les hérétiques, ils avaient obéi à
l’Église. Face à la volonté d’annexion qui anime désormais l’entreprise
militaire ennemie, ils se rangent du côté de leur pays. Devant la menace,
Toulouse retrouve son unité. Foulques m’ayant provoqué dans un de ses sermons,
je le chasse de la ville. Il part rejoindre Montfort, suivi de son clergé
emportant le saint Sacrement.
Partie III
La guerre
Toulouse assiégée
Toulouse, juin 1211
Dans les premières chaleurs de
l’été, les Toulousains mettent la ville sur le pied de guerre. Les pacifiques
tremblent, les belliqueux vibrent, mais tous se préparent à résister à
l’assaut. Nous l’attendons d’un jour à l’autre.
Les charpentiers taillent les
poutres qui seront assemblées pour construire les machines de jet, les
forgerons martèlent le fer des armes, les maçons renforcent les merlons du
rempart, les tisserands confectionnent les étendards, les négociants accumulent
les réserves de vin et de vivres, les peaussiers découpent le cuir des harnais,
les apothicaires mélangent les onguents et taillent les bandages.
Jamais je n’ai vu tant de monde dans
nos rues. Les populations voisines, terrorisées par les dévastations et les
cruautés de l’armée du Nord, accourent vers Toulouse pour se mettre à l’abri.
Ceux qui le peuvent louent à prix d’or un hébergement inconfortable, les autres
envahissent avec femmes, enfants et bétail les bâtiments et les cloîtres des
congrégations religieuses qui ont quitté Toulouse avec Foulques.
Le château Narbonnais est transformé
en camp retranché. Du matin au soir, des chevaliers s’y présentent et mettent
leur épée au service de la ville. Mes hommes se sont serrés pour leur faire
place dans la tour Gaillarde. La nuit, les routiers dorment dans la cour,
roulés dans leurs couvertures autour d’un feu sur lequel chauffent d’énormes
marmites de soupe aux haricots. Tous mes alliés pyrénéens sont à mes
côtés : Raimond Roger de Foix et son fils Roger Bernard auréolés de gloire
après leur victoire de Montgey, mon cousin Bernard de Comminges dont la sagesse
s’accorde avec mon propre tempérament, Gaston de Béarn, enfin, qui vient se
joindre à nous avec ses vassaux de Bigorre et ses routiers d’Aspe et d’Ossau.
Nos discussions, dans la salle de la tour du Midi, sont souvent interrompues
par des messagers porteurs de nouvelles alarmantes.
Après les massacres politiques et
religieux accomplis à Lavaur, Montfort et son armée sont revenus à Montgey pour
nourrir leur vindicte. Sur le champ de bataille, des centaines de corps
gisaient toujours, sanglants et nus. Ils les ont mis en terre avant de brûler
le village déserté par ses habitants. Après quoi,
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