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Raimond le Cathare

Raimond le Cathare

Titel: Raimond le Cathare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Dominique Baudis
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sur nos terres ? Oui.
Par serment prêté à mon père mourant, j’avais l’obligation d’accueillir frère
ou sœur s’il se trouvait un jour sans toit.
    Foulques tente d’émouvoir à son tour
l’auditoire. Accompagnant son propos d’attitudes et de gestes pitoyables, il
évoque le carnage des Croisés tombés dans le guet-apens de Montgey, en 1211, il
y a quatre ans.
    — Écoutez la rumeur de ces
pauvres perdus, perclus, boiteux, manchots, balafrés, béquillards, voués aux
chiens d’aveugles. Écoutez-les cogner à la porte !
    Désignant Raimond Roger de Foix,
l’évêque hausse le ton :
    — Il en a massacré à Montgey
tant et tant que les champs alentour en sont restés rougis. Et ton honneur,
Saint-Père, en est souillé de sang.
    Derrière moi, un chevalier de la
délégation toulousaine ne contient plus son indignation. Il interpelle
l’évêque.
    — Si l’on convoque en ce lieu
les victimes des combats, des tueries et des charniers, j’appelle devant vous
mon peuple torturé !
    — A-t-on dit que j’ai massacré
des pèlerins ? interroge Raimond Roger, la main en coquille autour de
l’oreille, feignant d’avoir mal entendu.
    Il étend son bras en un geste
solennel.
    — Je jure, par Jésus, qu’aucun
homme de Dieu n’eut jamais à souffrir de moi ni de mes gens la moindre bosse au
front.
    Empoignant à nouveau sa ceinture, il
s’avance vers Foulques.
    — Mais si l’on veut parler de
ces sombres bandits, de ces traîneurs de croix qui m’ont voulu tout prendre,
alors, certes c’est vrai : ceux que j’ai rencontrés ne l’oublieront
jamais. Ils sont boiteux, manchots, aveugles ou morts. Et je n’ai qu’un
regret : c’est d’avoir laissé fuir les couards de leurs bandes.
    Le comte de Foix continue de
s’avancer vers Foulques, le forçant à reculer, pas à pas.
    — L’évêque, maintenant !
    Raimond Roger, pour ne plus avoir à
répondre aux accusations, fait désormais le procès de Foulques.
    — Foulques ! Lui qui
torcha si mal tant de piètres chansons, tant de pâles poèmes, tant de vers plus
boiteux que Diable en chemin creux ! Nous avons cru nourrir un ministre de
Dieu : nous n’avons engraissé, messires, qu’un jongleur ! Il fut
d’abord abbé : son abbaye sombra. Il fut ensuite élu évêque de Toulouse :
aussitôt le pays s’embrasa. Déjà cent mille âmes sont mortes en ce brasier. Cet
homme est l’Antéchrist, et non le serviteur du Saint-Père de Rome !
    Raimond Roger de Foix ne peut pas
proférer imprécation plus violente. Il se rassied en s’épongeant le front,
laissant Foulques médusé, pétrifié et seul au milieu du dallage de marbre. Tous
les dignitaires de l’Église réunis dans la nef de la basilique Saint-Sauveur
attendent que le Saint-Père lave l’affront et qu’il maudisse le Comte roux pour
tant d’insolence envers l’un des leurs.
    — Tu n’as pas été tendre avec
nous, mais qu’importe ! Tu t’es bien défendu.
    Un murmure de stupeur accueille les
paroles du pape.
    — Il me faut maintenant
réfléchir pour démêler le juste de l’abus, conclut-il. Si tu n’es pas fautif,
nous te rendrons ta terre et ton château de Foix.
    Une rumeur réprobatrice se propage
le long des travées où siègent les clercs. Le pape, d’un geste, impose le
silence à son Église.
    — Que règne l’harmonie sur
terre et dans vos âmes. Telle est ma volonté. Obéissez, mes fils ! Et que
nul d’entre vous n’outrepasse mes ordres !
    La bienveillance pontificale
encourage Raimond de Roquefeil à intervenir. C’est un faidit qui s’est joint à
nous. Il vénère la mémoire de Raimond Roger Trencavel, mort dans les cachots de
Carcassonne, et il veut, ici, défendre les droits de la dynastie dont il est le
vassal.
    — Saint père vénéré, accorde ta
pitié à l’enfant Trencavel, fils du digne vicomte par malheur trépassé dans un
obscur cachot de Simon de Montfort. J’en appelle à ton cœur ! On a tué le
père. Au fils déshérité tu dois rendre la terre.
    Toutes les possessions attribuées à
Montfort par la croisade et par l’Église viennent d’être tour à tour
revendiquées par les seigneurs de notre pays.
    — Justice sera faite, ami,
répond le pape en levant la séance pour se retirer dans ses appartements.
     
    *
* *
     
    Quittant nos bancs, nous nous
regroupons, à l’écart, dans la pénombre d’une chapelle latérale de la
basilique.
    — Si le pape nous donne raison,
Montfort

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