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Raimond le Cathare

Raimond le Cathare

Titel: Raimond le Cathare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Dominique Baudis
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cénacles de travail portant sur différents
sujets.
    — Et notre affaire ?
    — Elle ne viendra en discussion
que deux ou trois jours après l’ouverture du concile.
    — Tant mieux, se félicite le
comte de Foix. J’aurai le temps d’observer le comportement des uns et des
autres, et de scruter l’état d’esprit du pape.
     
    Nous avons décidé de confier au
Comte roux le soin de plaider notre cause. Avec l’assentiment de tous, je l’ai
choisi pour son audace, la puissance de sa voix et l’aplomb dont il fait preuve
quand il s’agit de mentir. L’indignation et la révolte qui l’habitent seront
l’aliment de son éloquence. Pendant notre traversée maritime, il s’est
consciencieusement préparé à cette difficile mission : convaincre le pape
face à un auditoire d’ecclésiastiques de haut rang hostiles à notre cause. Pour
donner de la puissance à sa parole et pouvoir couvrir le tumulte des
adversaires, il s’est exercé à parler face au grondement de la mer. Dressé à la
proue du navire, il lançait au dessus des flots ses accusations et ses
revendications comme s’il voulait être entendu jusqu’à l’horizon. Nous le
regardions, face au vent, agitant ses bras pour accompagner ses arguments,
pointant son index vers la crête des vagues pour souligner une imprécation. Il
arpentait sans nous voir le pont du navire, se mettant en bouche les mots dont
il allait faire ses armes.
    À la veille de l’ouverture du
concile, je lui conseille de prendre soin de son organe vocal.
    — Mangez du miel. Entourez
votre gorge de serviettes chaudes. Ménagez-la. Une extinction de votre voix
serait un nouveau désastre.
     
    Nous préparons les vêtements que
nous allons porter pour la séance inaugurale. Je vais me vêtir de la façon la
plus modeste, à l’image du comportement que j’adopterai devant le pape. Je ne
suis plus qu’un pécheur repentant. Je ne suis plus le comte de Toulouse. J’ai
abdiqué au profit de Raimond le Jeune. C’est lui qui doit porter les emblèmes
de notre dynastie et arborer la croix d’or aux douze boules dont Raimond de
Saint-Gilles fit notre blason. Raimond Roger de Foix, par-dessus sa tunique de
laine des Pyrénées, porte un grand crucifix qui barre sa poitrine.
    — Avec cela, nous dit-il, qui
pourrait m’accuser d’être un hérétique ?
    — Ils ne s’en priveront pas.
    — Mais je les confondrai !
    — Qui sera notre plus féroce
adversaire ? s’enquiert l’Anonyme, lissant ses parchemins et remplissant
ses encriers.
    — Tous ou presque seront nos
adversaires, mais le plus acharné sera Foulques, comme toujours. Vous veillerez
à ne pas laisser échapper ses propos. Tout doit être soigneusement consigné.
    — N’ayez crainte, messire
Raimond, ma plume est encore plus alerte que sa langue. Et Arnaud Amaury ?
    — Il nous a persécutés, mais
nous n’avons plus rien à craindre de lui. Toute sa hargne est aujourd’hui
tournée contre Simon de Montfort. Leurs ambitions se sont heurtées. C’était
fatal. Depuis que le légat s’est arrogé mon titre de duc de Narbonne, Montfort
le traite en ennemi. Il a détruit les remparts de la ville. Arnaud Amaury l’a
excommunié. Ils se vouent une haine mortelle. Le légat, que le pape tient en
suspicion, est ici depuis deux semaines pour tenter, sans succès, de trouver
quelques appuis.
    — Et nos amis ? Qui
parlera en notre faveur ? interroge encore l’Anonyme.
    — Ils seront rares. Nous aurons
le soutien de l’Église d’Angleterre, comme nous avons celui de son roi. Je lui
serai éternellement reconnaissant d’avoir fait de Raimond le Jeune ce prince
dont nous pouvons être fiers.
    Je serre Raimond dans mes bras, et nous
partons dans nos chambres chercher le sommeil malgré l’appréhension qui nous
habite.
     
    *
* *
     
    Une foule compacte cerne la
basilique Saint-Sauveur. Sur les marches, sur le parvis, dans les vestibules
d’accès, la bousculade est générale. Pressés, serrés, écrasés, nous tentons
d’accéder à la nef. Tout à coup, près de nous, des clercs affolés demandent du
secours.
    — L’archevêque d’Amalfi est
mort !
    Étouffé par la foule, le vieil homme
a rendu l’âme sans un cri. Aucun son n’est sorti de sa bouche désespérément
ouverte comme celle d’un poisson hors de l’eau. Ceux qui se pressaient à ses
côtés ne se sont rendu compte de rien. Mort, il a continué d’avancer, porté par
la masse jusqu’à ce que l’étreinte

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