Raimond le Cathare
Toulouse. Comme d’Alfaro l’avait annoncé, c’est Guy de Montfort qui
arrive le premier. Le frère de l’usurpateur est accompagné des chefs de
l’armée : Guy de Lévis, Foucaud de Berzy, Alain de Roucy, Hugues de Lacy.
Le jeune « Guiot » de Montfort, le fils que Simon a imposé pour époux
à Pétronille de Bigorre, est avec eux.
Il ne s’est écoulé que dix jours
depuis mon retour, mais le peuple de Toulouse exalté par la fierté retrouvée a
su accomplir des prodiges. Les Français qui avaient laissé une ville ouverte
n’en croient pas leurs yeux. La Cité, le Bourg sur la rive droite, et le
faubourg Saint-Cyprien sur la rive gauche sont solidement clôturés, un fossé
profond cerne l’enceinte, des palissades, des pieux et des chicanes protègent
les accès. Sur les clochers des églises, des charpentes et des plates-formes
portent des machines de jet.
— Encore quelques jours et la
ville sera aussi fermement protégée que jadis. Seigneur, ne leur laissons pas
un instant de plus, conseille Foucaud de Berzy à Guy de Montfort.
Le frère de l’usurpateur et ses
compagnons décident donc de lancer immédiatement l’assaut. Ils avisent une
brèche près de la porte Montoulieu. À cet endroit le rempart n’a pas encore été
relevé et la ville s’ouvre sur les fossés emplis de gravats. Par bonheur, les
habitants ont entassé des madriers, des troncs d’arbres et des branchages dont
l’enchevêtrement obstrue l’entrée de la rue qui mène à la cathédrale. Les
Français tentent de s’y engager à cheval mais leur course est brisée par la
barricade où s’entravent les jambes de leurs montures qui trébuchent. Guy de
Montfort ordonne de mettre pied à terre. Empêtrés dans l’amoncellement qu’ils
s’efforcent de gravir, tenant le harnais de leurs chevaux rétifs, exposés aux
jets de pierres lancées depuis les étages et les toits des maisons, les
chevaliers français voient fondre sur eux une charge d’Ariégeois conduits par
Roger Bernard, le fils du comte de Foix. Les Pyrénéens bousculent et rejettent
les assaillants qui fuient en désordre. Ils laissent derrière eux des hommes et
des chevaux blessés ou morts, à demi enlisés dans la boue et les détritus du
fossé. Les défenseurs ont capturé cinq prisonniers qui sont aussitôt pendus.
La consternation s’est abattue sur
les occupants du château Narbonnais. Pendant que les hommes dressent le camp à
l’abri de la forteresse, les chefs de l’armée vilipendent leurs chevaliers.
— Vous avez des épées, des
lances, des masses, des arbalètes, et vous vous laissez mettre en déroute par
des demi-morts armés de cailloux, de bâtons et de couteaux rouillés !
s’indigne Alain de Roucy.
Guy de Montfort rejette sur son
frère la responsabilité du revers.
— Avez-vous oublié que les
Toulousains nous ont demandé grâce ? La faute est à Simon. S’il leur avait
ouvert les bras, nous n’en serions pas là. Il a fallu qu’il joue les tyrans
sanguinaires. Voilà pourquoi Dieu a changé de camp.
Il dicte plusieurs messages que des
cavaliers portent dans toutes les places fortes. Les chefs de l’armée ordonnent
aux garnisons de venir sans plus tarder les rejoindre sous les remparts de
Toulouse.
Des lettres comminatoires sont
également envoyées aux évêques pour qu’ils lèvent des renforts dans leurs
diocèses.
— Pour assiéger cette ville il
nous faudrait dix fois plus d’hommes, estime Hugues de Lacy. Tant que nous ne
pourrons pas tenir toutes les issues et la Garonne, ils iront et viendront à
leur gré.
*
* *
À l’intérieur des murs, chaque jour,
les guetteurs embouchent leurs trompes pour lancer sur la ville trois
mugissements brefs. Depuis leur poste d’observation, ils ont aperçu des couleurs
amies approchant de Toulouse. Du haut de leurs clochers, ils entendent monter
la clameur saluant la bonne nouvelle.
Les renforts viennent de toutes les
contrées de notre pays. Le comte de Comminges et le comte de Foix arrivent avec
leurs vassaux des Pyrénées. Du Quercy, de l’Agenais, de l’Armagnac, du
Lauragais, de l’Albigeois, des troupes bien armées convergent vers Toulouse.
Les Français ayant regroupé leurs
hommes au sud, autour du château Narbonnais, nos alliés entrent sans difficulté
par les portes du Bourg, au nord de la ville, ou par celles du faubourg, de
l’autre côté du fleuve. Nos forces décimées par le carnage de Muret et les
exactions de Montfort
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