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Remède pour un charlatan

Remède pour un charlatan

Titel: Remède pour un charlatan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
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un grand four, assez grand pour un festin. Et les sommes qu’il demande pour le faire tourner – chaque fois qu’il y a un mariage, une bar-mitsva, n’importe quoi, Mossé touche sa part. Par la même occasion, il s’est débarrassé d’un fils qui le dérangeait. C’est alors seulement que Daniel a prouvé qu’il était un garçon honnête et travailleur. Aaron, lui, s’est rebellé et il est mort. Maintenant il a un grand four, mais il n’a plus d’héritier. Dieu l’a jugé, Isaac.
    — Vous avez probablement raison, ma mie. Il devra se contenter d’un gendre.
    — Il devrait trouver quelqu’un pour Sara et les fiancer. Ainsi, il aurait le temps de préparer le garçon à reprendre ses affaires.
    — Allons, fit Isaac, elle n’a que dix ans.
    — Ridicule, trancha Judith. Ma mère a été fiancée à six ans, et elle a eu un mariage aussi heureux que la plupart des femmes.
    — De nos jours, personne ne fait plus cela avec ses enfants – ou pratiquement personne.
    — La communauté en est-elle plus heureuse ? Plus bénie en bonnes familles et en enfants obéissants qu’au temps de nos parents ?
    — Je ne sais pas, ma mie. En revanche, ce que je sais, c’est que je vous ai épousée parce que j’aimais votre tempérament de feu, votre force et votre beauté. Mes parents auraient pu choisir quelqu’un d’autre pour moi. Quelqu’un qui serait devenu froid et impuissant dans l’adversité.
    Judith demeura silencieuse.

CHAPITRE X
     
    Comme ils approchaient de la porte, Isaac s’arrêta soudainement et tourna la tête pour écouter. Derrière eux, des pas rapides résonnaient entre les maisons.
    — Qui est-ce, ma mie ? demanda-t-il. On dirait…
    Judith se retourna, puis, alarmée, posa la main sur le bras d’Isaac.
    — C’est Daniel, mon mari. Je crains pour Esther. Elle doit aller plus mal.
    Les joues pâles de Raquel rougirent et elle s’empressa de refermer son voile.
    — Maître Isaac ! cria le fils aîné du boulanger. Maître Isaac, un mot, je vous prie !
    — Est-ce votre mère ? A-t-on besoin de moi ? demanda Isaac, prêt à revenir sur ses pas.
    — Non, maître Isaac. Elle a bu un peu du bouillon que lui a apporté maîtresse Judith avant de dormir paisiblement. Je vous suis reconnaissant pour votre bonté.
    Il s’empressa de poursuivre avant que l’un ou l’autre puisse répliquer.
    — J’ai demandé à la servante de veiller sur elle et je suis venu vous parler.
    — Nous bavarderons plus à l’aise à l’intérieur, près du feu, dit Isaac. Entrez.
    — Merci, maître Isaac.
    Il les suivit dans la cour puis dans l’escalier qui menait à la salle commune.
    Yusuf disparut dans la bibliothèque et les autres s’assirent.
    Judith se releva presque aussitôt pour aller chercher des rafraîchissements dans la cuisine. Raquel rosit et murmura une excuse incohérente avant d’aller apporter à Yusuf une aide qu’il ne demandait pas.
    — Qu’est-ce donc que vous vouliez me dire ? dit Isaac une fois qu’ils furent seuls. Est-ce à propos de votre mère ?
    — Non, maître Isaac, je ne m’inquiète pas pour elle en ce moment.
    — Votre père ? Il est très désemparé, me semble-t-il.
    — Mon père me fait beaucoup de peine. Il n’a jamais été un homme patient et jovial, maître Isaac, mais au cours de ces dernières semaines, son état a empiré de jour en jour. Chaque fois que je lui rends visite, il se met en colère. Ma mère ne peut le supporter et s’enferme dans sa chambre. Sara et l’apprenti subissent tout le poids de son mauvais caractère, mais même le garçon et la pauvre petite servante en viennent à être terrorisés. Je crains qu’il y ait peu de choses que vous-même – ou qui que ce soit d’autre – puissiez faire pour modérer sa fureur.
    — Voilà une curieuse raison de rendre visite à un médecin, Daniel, fit Isaac d’un ton sec. Lui dire qu’il ne peut vous aider… Mais peut-être vous trompez-vous. Vous êtes-vous demandé pourquoi votre père se met dans un tel état ?
    — C’est le chagrin que lui procure la mort d’Aaron, sans aucun doute.
    — Je ne le pense pas, dit Isaac. Du moins, il n’y a pas que cela. Je crains que votre père n’ait commis la même erreur que vous. Il s’est senti responsable de la mort d’Aaron parce qu’il…
    — … m’a éloigné de la maison ?
    — Oui. Mais priver l’aîné de son droit ne conduit pas d’ordinaire à la mort du cadet, Daniel.

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