Remède pour un charlatan
pour signifier qu’il comprenait et reprit l’examen du costume qu’il allait devoir porter. La coiffure ressemblait plus à un chapeau qu’à un turban. Assez gros, rembourré, il était recouvert d’or ou d’une substance semblable. Dessous, il y avait un loup de couleur jaune et écarlate. En dehors de cela, le garçon était vêtu d’une tunique rouge à laquelle étaient cousus une multitude d’ornements de cuivre. Sa culotte était jaune safran et brodée de motifs écarlates qui lui remontaient le long des jambes. L’effet était plutôt malheureux, et on avait l’impression qu’il était prisonnier des tentacules monstrueux de quelque bête fabuleuse.
Il ne fallut toutefois qu’un instant à Hasan pour se débarrasser de cette étrange mue et passer sa tunique de tous les jours. Il tendit le pantalon à Yusuf.
— Vite, fit-il. Enlève ta tunique et ta culotte et jette-les dans un coin. Mets cela.
Fébrilement, Yusuf endossa le curieux costume.
— Tu feras illusion, dit Hasan en l’examinant à la lueur de la chandelle.
Il la reposa et resserra la cordelette jaune que Yusuf portait à la taille.
— Là, c’est mieux.
— Que vais-je devoir faire ?
— J’ai tout préparé pour la cérémonie. J’ai allumé les feux, mais pour le reste tu devras te débrouiller. Voici ce qui va se passer.
D’une voix murmurante, mais à toute allure, il lui donna une liste d’instructions.
La personne qui avait failli découvrir Yusuf fit à nouveau entendre sa voix.
— Ali ! cria la femme. Dépêche-toi ! On va commencer.
— Pourquoi t’appelle-t-elle Ali ?
— Ils font tous ça. Ils appellent tous les musulmans Ali. Ils disent que c’est plus facile que de se rappeler mon nom quand ils sont pressés. Je les déteste.
Hasan laissa la chandelle sur le coffre, prit un paquet dissimulé derrière une jarre à vin et attira Yusuf dans le couloir.
— Viens avec moi, dit-il.
— Pourquoi ne pas passer par ici ? demanda Yusuf en montrant un escalier en colimaçon, de l’autre côté de la réserve.
— On se ferait prendre.
Il entraîna Yusuf dans un couloir spacieux qui faisait toute la longueur de la maison. Les chaussons écarlates de Hasan étaient trop grands pour Yusuf et claquaient sur le sol de pierre. Les deux garçons atteignirent l’extrémité du couloir, marquée par un autre escalier.
— Par là, murmura Hasan. Quand tu arriveras en haut, tu verras une porte doublée d’une tenture. Elle mène à la salle de cérémonie. Les choses dont tu as besoin sont là-haut. Reste dans la pénombre et tiens-toi la tête baissée. Ils n’aiment pas qu’on les regarde.
« Mais qui sont-ils ? » se demanda Yusuf en grimpant les marches quatre à quatre avant de s’arrêter devant la porte doublée d’une étoffe brune assez grossière.
En face de lui, une plus vaste tenture formait comme un quatrième mur au palier et transformait cet espace en une petite pièce. Avant toute chose, il devait savoir par où s’enfuir en cas de problème. Sans faire de bruit, il écarta la tenture, juste assez pour voir. Devant lui, la salle était vide. Il se trouvait au niveau de la rue car, comme la plupart des maisons de la ville et de ses faubourgs, celle-ci était à flanc de colline. Un long couloir meublé de bancs, de chaises et de petites tables et éclairé par des torchères s’étirait entre la porte d’entrée de l’établissement, à sa gauche, et le haut de l’escalier, à sa droite. Alors qu’il observait cela avec intérêt, la porte de la salle s’ouvrit en grand et il battit en retraite. Il prit son souffle et écarta la tenture grossière pour pénétrer dans la salle où devait se dérouler la cérémonie.
Il ne savait pas très bien à quoi s’attendre, mais, en tout cas, ce ne fut pas ce qu’il vit devant lui. Espace et ténèbres, voilà quelle fut sa première impression. L’entrée qu’il avait empruntée était percée dans le mur du fond. La seule lumière émanait des quatre bougeoirs muraux, dans la partie avant de la pièce, là où se réunissaient les participants. La pièce était assez longue, avec un plafond voûté soutenu par deux piliers qui la divisaient vaguement en deux. Six gros coussins, arrangés en demi-cercle entre les piliers, étaient posés sur un tapis aux couleurs sombres. Devant chacun d’eux, un petit brasero était empli de braises. Un autre brasero était disposé près d’un étrange cercle
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