Remède pour un charlatan
voile, dis-moi ton nom et raconte-moi tout ce que tu sais.
— Obéis à Son Excellence, dit Isaac. Parle-lui aussi des cérémonies et raconte comment elles servaient à tromper les jeunes gens.
— Est-ce que je dois aussi lui parler des autres…
— Il est peut-être évêque, mon enfant, interrompit Isaac en fronçant les sourcils, mais je crois qu’il peut comprendre tout ce que Marieta t’obligeait à faire.
— Certes, fit Berenguer. Une esclave n’a pas le choix, et je le comprends fort bien. Quand as-tu acquis ta liberté ? Ce n’est pas une fugitive, n’est-ce pas ? Cela compliquerait la situation si nous avions besoin de son témoignage.
— Non, je suis libre, et j’ai un document, affirma Zeynab. J’ai été affranchie cet après-midi.
— Vous n’y êtes pas étranger, à mon avis, fit l’évêque.
Isaac fit non de la tête.
— Elle a économisé le prix de sa liberté grâce aux petits cadeaux que les hommes lui faisaient. J’ai simplement arrangé le paiement parce qu’elle avait trop peur de son ancienne maîtresse. Allons, Zeynab, Son Excellence doit voir ton visage. Tu lui parleras des cérémonies.
À contrecœur, elle rejeta son voile.
Berenguer examina les blessures et se détourna.
— Cette Marieta est une mauvaise femme, dit-il. Mais écoutons ton histoire.
Accompagné de son secrétaire Bernat et de Francesc, Berenguer revint dans la salle de réception, où Pons Manet et les siens attendaient, plongés dans le silence et le malheur.
— Vous devez pardonner mon absence, dit-il, mais c’était pour une affaire intimement liée à votre problème.
— Comment cela, Votre Excellence ? demanda Pons.
— J’ai ici un témoin des activités de votre fils et des crimes perpétrés contre lui et ses deux compagnons. J’aimerais que vous l’entendiez. Mon secrétaire prendra sa déposition, car elle sera peut-être nécessaire lors du procès des responsables de la mort de Lorens. Francesc ?
Francesc de Monterranes quitta la pièce pour revenir avec Zeynab, lourdement voilée, et Isaac.
— Votre Excellence, murmura-t-il, j’ai amené la fille et le médecin. Dois-je également faire venir le garçon ?
Berenguer hocha la tête et Francesc adressa un signe à Yusuf, qui se tenait près de la porte.
— Il importe peu, dit l’évêque, de savoir qui est cette enfant. Elle était esclave quand elle a participé aux actes qu’elle va vous décrire, et elle devait obéir à sa maîtresse de crainte d’être battue, vendue ou pis encore. Tout esclave aurait fait de même. De plus, ses actions ne sont pas en elles-mêmes répréhensibles. Mon enfant, parle-nous de ce Guillem de Montpellier.
— Votre Excellence, maître Guillem, son serviteur, Lup, et leur esclave sont arrivés chez ma maîtresse pendant la chaleur de l’été, au cours de la semaine qui a suivi le gros orage.
— Qui était ta maîtresse ?
— Marieta, de Sant Feliu. Maître Guillem est un magicien et un lettré, dit-il, et il donne des représentations pour attirer les clients.
— Quel genre de représentations ?
— Le maître disait au public qu’il allait appeler des démons, puis il chantait et jetait quelque chose dans le brasero pour produire un grand éclair aveuglant. C’est pendant que les spectateurs avaient les yeux fermés que nous entrions. Les autres filles dansaient avec des tenues impudiques, moi, je jouais de la flûte et je chantais.
— Ce garçon, Yusuf, va pouvoir nous parler de ces spectacles, dit l’évêque. Pour rendre service à l’esclave de Guillem, qui désirait s’enfuir cette nuit-là, il a pris sa place et endossé son costume et son masque. Raconte-nous ce que tu as dû faire, Yusuf.
Yusuf décrivit dans le détail cette pénible soirée.
— Il y avait une substance dans l’encens, reprit Zeynab. On nous disait de nous tenir à l’écart de la fumée et de nous efforcer de ne pas la respirer. D’ordinaire, cela les rendait un peu ivres, sauf la dernière fois. Yusuf en a trop mis dans les braseros.
— Quelqu’un vous a-t-il prises pour des démons ? demanda Pons.
— Oh non, maître, personne. Très vite, même les gars de la campagne se rendaient compte qu’on n’était que des filles quand ils nous voyaient de près. Mais ils avaient quand même l’air d’apprécier nos danses.
— Je ne pense pas que maîtresse Marieta voudrait attirer des ennuis à sa maison en se compromettant avec les démons, fit
Weitere Kostenlose Bücher