Richelieu ou la quête d'Europe
faute de solde régulièrement versée. Les pillages et les rançonnements sont fréquents, et aux exactions commises par les soldats s’ajoutent celles des agents du fisc. Les populations, exsangues, n’ont d’autre solution que la révolte pour survivre. Le 6 juin 1636, de nouvelles émeutes éclatent à la foire de Blanzac . Les paysans révoltés, les croquants, s’en prennent à un chirurgien de Bergerac , dont l’allure leur paraît suspecte. Les gabelous sont également les cibles de l’insurrection. Les autorités locales sont vite débordées et demandent des renforts à Richelieu. Mais celui-ci ne peut dépêcher que quelques hommes, toutes les forces vives disponibles ayant été envoyées sur le front de Picardie .
Après les troubles de Blanzac , c’est au tour de la localité de La Couronne , non loin d’ Angoulême , de connaître l’agitation. Neuf à dix mille rebelles, armés de mousquets, de fourches et de piques, se regroupent, puis se retirent sans rien tenter.
Au cours des mois de juillet et août, la révolte gronde également en Saintonge , en Aunis , en Poitou et en Limousin . Les autorités municipales et les gouverneurs des villes et des provinces reçoivent de prudentes consignes de négociations. Richelieu veut à tout prix éviter la guerre civile et des luttes fratricides aussi inutiles que préjudiciables au royaume.
Au printemps 1637 encore, la révolte des croquants connaît une recrudescence inquiétante. Elle s’étend à une douzaine de provinces, la Gascogne , la Guyenne , le Périgord , le Quercy , le Languedoc , le Limousin , la Saintonge , l’ Angoumois , le Poitou , le Berry , la Marche , le Bourbonnais et le Nivernais . Les insurgés du Périgord se dotent même d’une organisation militaire cohérente comprenant des compagnies et des capitaines de paroisses. Un hobereau de Périgueux , Antoine du Puy de La Motte de La Forêt, prend leur tête avec le titre de colonel des communautés soulevées de Guyenne. La révolte n’est pas dirigée contre le roi ou le principe monarchique, mais contre les abus de pouvoirs dont se rendent coupables les agents du fisc. Une armée d’environ dix mille hommes est mise sur pied, soumise à une discipline sévère. Ces contingents occupent sans violence la ville de Bergerac , où le clergé s’associe au mouvement. Le paiement des impôts est suspendu.
Pour mater la sédition, Richelieu recourt au duc d’Épernon et à son fils, le duc de La Valette. Ce dernier ne dispose que de trois mille hommes mais, arrivé à Bergerac , entame des négociations avec du Puy de La Motte. C’est alors qu’une partie des croquants se révolte contre leur chef. Un artisan, Magot, dénonce la trahison de celui qui a su doter le mouvement d’une véritable organisation. Le 1 er juin, les partisans de Magot sont battus à La Sauvetat-du-Dropt par ceux d’Antoine du Puy de La Motte, aidés des bourgeois de Bergerac . Magot trouve la mort lors de l’engagement ; quatre mille de ses partisans sont faits prisonniers. Une semaine plus tard, le duc de La Valette fait son entrée dans la ville de Bergerac pacifiée. L’ordre est également rétabli à Cahors , à Sainte-Foy-la-Grande et à Eymet , grâce aux milices bourgeoises.
Les factieux échouent surtout en raison de leurs divisions internes. Manquant d’unité et de coordination, le mouvement ne s’en poursuit pas moins jusqu’en 1641. Dans les généralités du sud-ouest, la somme manquante, en raison de la non-perception de l’impôt, s’élève à dix millions de livres pour la seule année 1637 ! Pourtant, le gouvernement garde le souci de la conciliation et de la sauvegarde de la paix intérieure, quoi qu’il en coûte : l’amnistie complète est accordée aux insurgés en échange d’un engagement dans l’armée. Il est même décidé de suspendre la levée des impôts à l’origine des troubles.
Richelieu et Louis XIII doivent faire face aux difficultés aussi bien au plan intérieur qu’au plan extérieur. Leur accumulation rend la conduite des affaires particulièrement délicate à cette époque ; le cardinal semble beaucoup en souffrir, au sens propre comme au sens figuré, alors que Ferdinand II obtient enfin l’hérédité de la couronne impériale pour la famille de Habsbourg.
La diète de Ratisbonne
Les derniers mois de l’année 1636 sont ceux du triomphe de l’empereur. Les difficultés de la France , les échecs des Suédois rejetés en
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