Richelieu ou la quête d'Europe

inauguré le principe en intervenant dans la Sainte Ligue. Mais, à l’aube des années 1640, la marine espagnole est en piteux état. La flotte française domine la Méditerranée et mène des incursions jusqu’en Afrique du Nord. Les Hollandais sont quant à eux maîtres de la Manche et de l’océan Atlantique. L’ Angleterre est hors jeu, trop occupée par la dissidence écossaise. Une entente solide rapproche la France des Provinces-Unies , même si la grande bourgeoise hollandaise inclinerait volontiers à la paix pour se consacrer à ses affaires. Un principe demeure dans tous les esprits, celui de l’indépendance nécessaire des Provinces-Unies. Début 1640, Louis XIII renouvelle son alliance avec ses partenaires bataves.
    Le roi, malgré des finances désastreuses, peut compter sur de nouvelles forces, Richelieu ayant confié le recrutement des soldats aux villes et ayant trouvé le moyen de verser une prime d’enrôlement à chaque nouvelle recrue. La misère pousse vers l’armée de nombreux contingents. Raffermis dans leur position, le roi et son ministre tentent encore de nouvelles négociations avec l’ Espagne . Mais les objectifs des deux camps ne sont pas plus conciliables que par le passé. Le 10 août 1640, les armées françaises s’emparent de la ville d’ Arras , porte ouverte à la conquête de l’ Artois . En Italie du nord, la ville de Turin est reconquise. Surtout, Richelieu profite pleinement du soulèvement de la Catalogne et du Portugal contre l’autorité de Philippe IV.

    L’ Espagne est en effet une fédération d’États. À Madrid , siègent des assemblées spéciales pour gérer les affaires de chaque province, comme le conseil d’ Aragon , celui de Catalogne , etc. Dans la province elle-même, le souverain espagnol est représenté par un vice-roi. Seule la Castille est plus directement soumise à l’autorité royale, qui reconnaît cependant d’importants privilèges aux villes.
    La Catalogne est l’une des provinces espagnoles les plus importantes. Avec le Portugal , elle jouit de la plus large autonomie. Les libertés et franchises catalanes ont été codifiées dès 1588. Mais, en 1640, les relations entretenues par Barcelone et Madrid se dégradent brusquement. La Catalogne se montrait déjà réticente à contribuer à la lutte contre la France . Le 7 juin, des incidents surviennent à Barcelone , où des Castillans sont chassés par des paysans montagnards. Alors que le vice-roi décède, les soldats espagnols sont pris à partie et ne peuvent se maintenir qu’à Perpignan , Collioure et Salses . Le 16 décembre, la France signe un traité d’alliance avec les rebelles. Dès le mois de février 1641, la souveraineté sur la province est offerte à Louis XIII, avec le titre de comte de Barcelone . Après bien des hésitations, et la réticence de Richelieu vaincue, le roi très chrétien accepte la proposition. La conquête effective du Roussillon devient l’objectif prioritaire de la France, alors que le Portugal se détache lui aussi de la tutelle castillane.
    Le royaume lusitanien est lié à à la couronne catholique depuis le mariage de Philippe II avec Marie de Portugal, fille unique et héritière du roi Jean III. Mais, depuis l’avènement de Philippe IV, l’autonomie de la province ne cesse de s’amoindrir. À la fin de l’année 1640, profitant des troubles en Catalogne , des agents de Richelieu préparent un véritable complot pour évincer les Espagnols. Le 1 er  décembre, la sédition éclate : la vice-reine est reconduite à la frontière et Jean de Bragance est proclamé roi de Portugal sous le nom de Jean IV. Madrid tente de recourir à la force, en vain. Les armées portugaises pénètrent même en Galice et en Andalousie . La légitimité de Jean IV est aussitôt proclamée par la France et reconnue par l’ Angleterre , le Danemark et la Suède , tandis que les anciennes colonies portugaises se rallient les unes après les autres à leur nouveau souverain. Une trêve de dix ans est également conclue par le Portugal , la France et les Provinces-Unies , Lisbonne s’engageant à ne pas négocier avec Madrid .

    Au cours de ce même printemps 1640, les troupes du général suédois Baner sont certes expulsées de Bohême par Piccolomini, mais elles ne se replient pas en Poméranie . Les hommes de la reine Christine prennent le chemin de Ratisbonne où se tient une diète d’Empire. Ferdinand III a convoqué l’assemblée au