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Ridicule

Ridicule

Titel: Ridicule Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Remi Waterhouse
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contraire. Il était charmé de l’entrain du savant dans leurs conversations, mais il était soulagé, le soir, de retrouver la solitude de sa chambre, et de n’avoir plus le regard rivé aux yeux pétillants de son ami lorsqu’il parlait, c’est-à-dire presque toujours.
    L’installation de Ponceludon fit un autre heureux : Paul. Le jeune sourd-muet suivait partout le nouveau venu avec des transports de joie. Il lui arrivait d’attendre des heures entières dans l’escalier, guettant la sortie du jeune homme, puis de faire de bruyantes démonstrations d’affection en glapissant autour de lui. Pour cet enfant, muré dans son silence intérieur chaotique, tout ce qui venait du dehors était une brèche par où s’engouffrait un espoir confus.
    Un jour qu’il traversait le jardin, Ponceludon avait croisé le sourd-muet, et mimé en passant un pugilat contre lui. Ce jeu avait été pour Paul un éblouissement, la révélation qu’on pût partager une joie avec lui. Depuis, quand il apercevait Ponceludon venir vers la maison, il se précipitait à sa rencontre et, à grand renfort de gestes, l’invitait à jouer à nouveau au pugilat. Le jeune homme oubliait rarement de lui adresser quelques coups de poing à peine esquissés, qui arrachaient des hennissements de rire à leur destinataire.
    L’ingénieur se rendait utile à l’entretien du matériel de laboratoire du marquis physiologiste, que ce dernier ne voulait pas confier aux mains peu expertes de Charlotte. Une de ses tâches, et sa préférée, consistait à charger de fluide électrique les bouteilles de Leyde en les mettant au contact de la machine électrostatique. Bellegarde avait fait construire sa machine sur le modèle de celle de Ramsden. Quand il pénétrait seul dans le laboratoire en soubassement, où le jour n’entrait que chichement par un soupirail haut placé, mais de plain-pied sur le jardin, Ponceludon prenait toujours le temps de contempler respectueusement, comme pour la saluer, la « machine de Ramsden » dont les pièces de laiton et le disque de verre luisaient dans la pénombre. Quatre colonnettes de verre dressées en carré sur un socle de bois supportaient deux tubes de laiton parallèles. Perpendiculairement aux tubes, et d’un diamètre à peu près égal à leur espacement, un disque de verre était mû par une manivelle dont l’axe passait à égale distance des deux tubes. À l’extrémité des tubes étaient fixées des mâchoires métalliques perpendiculaires qui prenaient le disque en tenaille sans toutefois le toucher. Le disque passait entre deux montants de bois d’ébène fixés au socle, et que traversait son axe, munis aux emplacements de son plus grand diamètre de quatre coussins frottés d’or massif {5} . Les coussins étaient placés en vis-à-vis deux à deux, de manière à toucher légèrement la surface du verre.
    La mise en action de l’appareil engendrait un frottement qui chargeait le disque d’électricité. Le dispositif avait un mouvement si doux et fluide que l’opérateur se sentait pénétré du seul bien-être d’actionner la machine. Quand le plateau de verre avait acquis une vitesse telle que sa main ne pouvait plus pourvoir à, son accélération, Ponceludon lâchait la manivelle et regardait la machine tourner sur son erre. Ses pièces mobiles étaient manufacturées et assemblées avec une précision si grande qu’en rotation, seule la manivelle semblait animée d’un mouvement apparent. Un craquement sec accompagnait l’éclair ténu qui se formait parfois entre le disque et une des pointes de métal, et arrachait toujours à Ponceludon un sourire ému.
    Le jeune homme n’était pas invité à prêter la main aux travaux horticoles que Bellegarde pratiquait dans la serre attenante à la maison. Ces soins attentifs étaient pour le marquis un devoir sacré qu’il n’aurait abandonné à personne. C’est tout juste si, pour le déplacement des lourds pots de terre, il demandait Charlotte. Cette jalousie était excessive, sans doute, mais Mathilde lui avait demandé de veiller sur son trésor de fleurs pendant son absence, et la seule idée de décevoir sa fille lui tordait le ventre. Une vitre mal refermée pendant une nuit trop fraîche aurait pu tuer un des joyaux de la serre, pensait-il. La fragilité des fleurs dont il avait la garde le hantait au point qu’il lui arrivait, certains soirs d’été, d’appréhender une gelée nocturne inopinée. Il fallait les

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