Robin
s’élevaient
encore parmi les gravats du chantier – se trouvaient à chaque coin. Tout
ce qui restait du monastère original se résumait à une unique rangée de
cellules monacales et à la chapelle, à peine plus grande que son propre
oratoire. L’endroit paraissait vide, aussi se décida-t-il à tenter sa chance
dans la chapelle.
Deux prêtres se tenaient
agenouillés devant l’autel, sur lequel brûlait une unique bougie de suif qui
diffusait de noires volutes huileuses dans l’air ambiant. Aethelfrith demeura
un moment dans l’embrasure de la porte, puis s’éclaircit la gorge pour annoncer
sa présence. « Pardonnez-moi, mes amis. J’interromps vos prières. »
Le prêtre le plus proche regarda
autour de lui, puis donna un petit coup de coude à son compagnon. Celui-ci
s’empressa de terminer sa prière, se signa et alla saluer le nouveau venu.
« Que Dieu soit avec vous, mon frère, dit-il au visiteur après avoir
lorgné sa robe. Je suis Monseigneur Asaph. En quoi puis-je vous aider ?
— Salutations dans le Christ
et tous Ses glorieux saints ! proclama le mendiant. Frère Aethelfrith,
pour vous servir, en mission… euh…» Il hésita, réticent à trop en dire sur sa
corvée illicite. «… aussi délicate qu’importante.
— Paix et bienvenue, mon
frère. Comme vous pouvez le constater, il ne nous reste plus grand-chose pour
accomplir les nôtres, mais nous vous aiderons du mieux que nous le pourrons.
— C’est une tâche aisée, qui
ne vous coûtera rien, lui assura le frère. Je suis à la recherche de Bran ap
Brychan, j’ai un message à lui transmettre. J’espérais que quelqu’un ici
pourrait me dire où le trouver. »
À ces mots, une ombre passa sur le
visage de l’évêque. Son sourire de bienvenue se fana, et son regard devint
triste. « Ah, soupira-t-il. Puissiez-vous m’avoir demandé n’importe quoi
d’autre. Hélas, vous ne trouverez pas l’homme que vous cherchez parmi les
vivants. » Il secoua la tête avec lassitude. « Notre jeune prince
Bran est mort.
— Mort ! Oh, Bon Dieu,
comment ? s’écria Aethelfrith d’une voix entrecoupée. Quand est-ce
arrivé ?
— L’automne dernier, répondit
l’évêque. Quant à la manière dont c’est arrivé… il y a eu une rixe, et les
chevaliers du comte de Braose l’ont cruellement abattu alors qu’il tentait de
leur échapper. » Le moine anglais chancela en arrière et s’écroula sur un
banc contre le mur. « Là, reposez-vous un moment, dit Asaph. Frère Clyro,
apportez un peu d’eau à notre hôte. »
Clyro s’éloigna en clopinant, et
l’évêque s’assit à côté d’Aethelfrith. « Je suis désolé, mon ami. Votre
question m’a pris par surprise, je n’aurais pas dû vous l’annoncer aussi
abruptement.
— Où est-il enterré ? Je
veux aller y réciter une prière pour son âme.
— Vous connaissiez notre
Bran ?
— Je l’ai rencontré une fois.
Il a passé une nuit en ma compagnie, lui et cette grande gigue, comment
s’appelait-il, déjà ? Jean ! Il y avait un prêtre avec eux. Un homme
de bien, je crois. L’un des vôtres ?
— Iwan, oui. Et Ffreol,
peut-être ?
— Tout juste ! confirma
Aethelfrith. Ils étaient en route pour Lundein, afin de rencontrer le roi. J’ai
fini par me décider à les accompagner. Le résultat les a sacrément déçus, mais
ça ne m’a guère surpris. Les Ffreincs sont des bâtards.
— D’après ce que nous avons pu
apprendre, notre Bran a été capturé sur le chemin du retour. Il a été tué
quelques jours après avoir essayé de s’échapper. » Il considéra son
visiteur avec des yeux pleins de tristesse. « Pour ajouter à notre peine,
poursuivit-il, Iwan et frère Ffreol ont également déclenché le courroux du
comte de Braose.
— Morts, eux aussi ? Tous
les deux ? » demanda Aethelfrith.
Asaph baissa tristement la tête en
guise de confirmation.
« Espèce d’infecte racaille
normande, gronda le frère. Tuer d’abord et se repentir ensuite. C’est tout ce
qu’ils savent faire. Pire que des Danois !
— Il n’y avait rien à faire,
reprit Asaph. Nous avons dit une messe pour le salut de leur âme, bien sûr.
Mais…» Il leva des bras impuissants. «… C’est ainsi.
— Donc maintenant vous n’avez
plus de roi, fit observer Aethelfrith.
— Bran était le dernier de la
lignée, confirma l’évêque. À présent, nous devons nous satisfaire de survivre
en supportant ce règne injuste
Weitere Kostenlose Bücher