Robin
Saxons et les Danois,
la voyaient d’un très mauvais œil. La raison en était simple : le décret
transformait tous les bois de l’Angleterre en une réserve de chasse royale. Le
simple fait de pénétrer dans une forêt sans la permission de son mandataire
était devenu un délit passible de lourdes sanctions. Honni depuis le jour même
de sa promulgation, cet édit faisait de tous ceux qui d’une manière ou d’une
autre vivaient de l’exploitation de régions boisées – soit à peu près tout
le monde – des hors-la-loi.
« C’est donc là que ça a
commencé ? dit-elle d’un air pensif.
— Exactement, confirma
Cadwgan. Et les membres du conseil ont louvoyé comme des chats autour d’une
viande à la broche.
Par trois fois ils ont refusé de
suivre les vœux du roi, et chaque fois il les a renvoyés réfléchir à ce
qu’allait leur coûter leur rebuffade.
— Que s’est-il passé ?
— Quand il est devenu évident
que personne ne serait autorisé à repartir avant que la question ne soit
réglée, et que le roi resterait inflexible, le conseil n’a eu d’autre choix que
de consentir à ses désirs.
— Quelle bande de mollassons
serviles, fit observer Mérian.
— Ne les juge pas trop
durement, lui dit son père. Soit ils acceptaient, soit ils prenaient le risque
d’être pendus pour traîtrise s’ils se rebellaient ouvertement. En attendant,
ils voyaient leurs domaines et propriétés tomber peu à peu en ruine à force
d’être négligés. Alors, avec les moissons qui s’annonçaient difficiles, ils ont
donné au roi sa précieuse exclusivité de chasse et ils ont rejoint leur foyer
pour expliquer la nouvelle loi à leurs gens. » Cadwgan marqua une pause.
« Dieu merci, le Conquérant n’y a pas inclus les terres au-delà des
Marches. Quand je pense à ce que les Cymry auraient fait si on les avait
contraints à ça…» Il secoua la tête. « Bref, mieux vaut ne pas y
penser. »
CINQUIÈME PARTIE
LE GRELLON
CHAPITRE 39
Malgré les offres répétées du comte
Falkes de l’accompagner, l’abbé Hugo insista pour aller seul visiter sa
nouvelle église. « Mais les travaux ont à peine commencé, avait fait
remarquer le comte. Laissez-moi vous apporter les dessins de l’architecte pour
que vous puissiez vous faire une idée du résultat final.
— Vous êtes trop bon, lui
avait répondu Hugo. Mais je sais le poids de votre charge déjà assez lourd, je
m’en voudrais d’en rajouter. Je suis parfaitement capable d’aller jeter un œil
tout seul, je le ferai avec joie. Je ne veux pas vous déranger avec mes
caprices. »
Il partit du caer sur son palefroi
marron, et arriva à Llanelli au moment même où les ouvriers commençaient leur
journée. La vieille église, avec sa croix de pierre qui jouxtait sa porte,
s’élevait toujours sur un côté de la nouvelle place. C’était un fruste bâtiment
en bois clayonné, guère plus qu’une étable aux yeux d’Hugo. Plus tôt on le
démolirait, et mieux cela vaudrait.
L’abbé s’en détourna et jeta un œil
critique sur le bric-à-brac de planches érigé sur des fondations de terre
tassée, de l’autre côté de la place. Quoi ? Par la verge de Moïse !
Était-ce ça, sa nouvelle église ?
Il se rapprocha du chantier pour
mieux en juger. Un charpentier se montra alors, muni d’un fil à plomb et d’un
gros morceau de craie. « Vous là-bas ! hurla l’abbé. Venez
ici. »
L’homme regarda autour de lui, vit
les robes sacerdotales, et se précipita à sa rencontre. « Vous m’avez
parlé, Votre Grâce ? demanda-t-il en effectuant une révérence.
— Qu’est-ce que
ceci ? » D’une chiquenaude de la main, il désigna la structure
partiellement construite.
— Ça va être une église, mon
père, répondit le charpentier.
— Non, lui dit l’abbé. Non, je
ne crois pas.
— Si, répliqua l’ouvrier.
C’est bien ça.
— Je suis l’abbé de ces lieux,
l’informa Hugo, et je dis… (il réitéra son geste dédaigneux) je dis que ceci
est un entrepôt pour la dîme. »
Le charpentier pencha la tête de
côté et considéra le prêtre d’un air interrogateur. « Un entrepôt, Votre
Grâce ?
— Mon église sera
construite en pierre, lui déclara l’abbé Hugo. Et j’en choisirai le plan et la localisation. Elle ne donnera certainement pas sur la place comme une
vulgaire boucherie.
— Mais, mon père, vous voyez…
— Douteriez-vous de mes
paroles ?
— Pas
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