Robin
et
tumultueuse, car dans le feu rougeoyant de son esprit, Bran était en train de
forger l’arme parfaite.
Il ne se sentait pas fatigué, et
n’aurait pu dormir de toute façon. Quand l’aube commença à envahir l’obscurité
à l’est, son astucieuse œuvre spirituelle avait pris forme.
« Je crois que c’est tout,
dit-il en levant la tête pour regarder la vieille femme assise de l’autre côté
du foyer fumant. Je n’ai rien oublié ? »
Un sourire ridé vint récompenser
ses efforts. « Tu as bien travaillé, Maître Bran. » Elle leva une
main ouverte au-dessus de sa tête. « Cette nuit, tu as forgé un bouclier
pour défendre ton peuple. Mais à présent, en cette heure parmi les heures, tu
es aussi devenu une épée. »
Bran prit cela pour une approbation
sans réserve. Il se leva, puis étira ses muscles raides. « Très bien, allons
réveiller les autres et mettons-nous en route. Il y a beaucoup à faire, et peu
de temps à perdre. »
D’un geste de la main, Angharad
désigna les hommes étendus dans la pièce. « Patience. Laisse-les dormir.
Ils n’en auront guère l’occasion dans les jours qui viennent. » Puis, lui
montrant sa propre couche : « Ce ne serait pas un mal si tu fermais
un moment les yeux tant que tu le peux.
— Pour tout l’or du baron, je
n’arriverais pas à dormir.
— Moi non plus, dit-elle en se
relevant avec peine. Puisqu’il en est ainsi, allons saluer l’aube et demander
au Roi des Armées de bénir notre plan de bataille, ainsi que les mains qui
devront œuvrer pour assurer son succès. » Elle marcha jusqu’à la porte, repoussa
la peau de bœuf et invita le jeune homme à la suivre.
Ils restèrent un long moment dans
la lumière du matin, à écouter la forêt s’éveiller autour d’eux. Le chorus des
oiseaux commençait à s’enfler à la cime des arbres. Bran se sentait le roi d’un
vaste domaine peuplé de toutes ces humbles créatures. « Le jour se lève,
dit-il finalement. Nous devons partir.
— Dans un petit moment,
proposa-t-elle. Profitons encore un peu de cette sérénité.
— Non, maintenant.
Apportez-moi mon capuchon et ma cape, puis allez réveiller tout le monde. Ils
se souviendront de ce jour.
— Pourquoi de celui-ci en
particulier ?
— Car à partir d’aujourd’hui,
expliqua-t-il, ils cessent d’être des fugitifs et des hors-la-loi. Aujourd’hui,
ils deviennent le peuple fidèle du Roi Corbeau.
— Le Grellon »,
suggéra Angharad, un mot ancien signifiant à la fois peuple et suivre.
« Le Grellon » , répéta
Bran tandis que la banfáith partait battre le fer pour sortir Cél Craidd de sa
torpeur. Le jeune homme fit face à la sphère rougeoyante du soleil levant.
« En ce jour, déclara-t-il pour lui-même, débute la libération de
l’Elfael. »
« C’est un très grand honneur,
dit la reine Anora. Je pensais que tu te sentirais flattée.
— Comment le
pourrais-je ?
— La situation est un peu
tendue actuellement, c’est vrai, admit sa mère, mais ton père pensait que
peut-être…
— Mon père, le roi, s’est
montré parfaitement clair, insista Mérian. Ne me dis pas qu’une simple
invitation l’a fait changer d’avis.
— C’est peut-être une manière
pour le baron de faire amende honorable », répliqua la reine. L’argument
était faible, et Mérian jeta à sa mère un regard empli d’un hautain dédain.
« Le baron sait qu’il a eu tort, il souhaite restaurer la paix.
— Oh, il suffit que le baron
se repente pour que le roi se mette à danser de gratitude jusqu’à ce que la
tête lui tourne ?
— Mérian ! la réprimanda
vivement sa mère. Ça suffit, ma fille. Tu vas montrer un peu de respect à ton
père et accepter ses décisions.
— Quoi ? Et je n’ai pas
mon mot à dire ?
— Tu en as déjà dit bien assez. »
Le dos raide, sa mère se tourna sur sa chaise pour lui faire face. « Tu
vas obéir.
— Mais je ne comprends pas,
insista la jeune femme. C’est absurde.
— Ton père a ses raisons,
répliqua simplement la reine. Et nous devons les respecter.
— Même s’il a tort ?
C’est vraiment trop injuste, Mère. »
La reine Anora considéra
l’expression éperdue de sa fille – sa bouche serrée, ses yeux presque
fermés – et se rappela l’enfant qu’elle avait été, qui demandait qu’on la
laisse aller se promener vers la berge et à qui on répondait non, parce que
c’était trop dangereux de
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