Robin
convocation envoyée à tous les clients
du baron pour qu’ils se réunissent en conseil. L’assemblée devait avoir lieu à
Talgarth, dans le territoire nouvellement conquis par le baron, et tous les
nobles et seigneurs fonciers devaient y assister, accompagnés de leurs familles
et de leurs principaux serviteurs. C’était une invitation qu’on ne pouvait
refuser. D’après la loi féodale, le malheureux qui manquait un conseil
protocolaire risquait de lourdes amendes : la perte de terres, de titres,
voire celle d’un membre dans les cas extrêmes.
Le baron Neufmarché ne réunissait
pas souvent de conseils. Le dernier avait eu lieu cinq ans plus tôt, quand il
avait déménagé sa résidence principale au château d’Hereford. Il avait alors
avisé ses nobles qu’il envisageait de rester en Angleterre et qu’il comptait
pour cela sur leur soutien, en premier lieu sous la forme de rentes et de
services, mais aussi sous celle de conseils.
Cadwgan accueillit avec ombrage la
convocation. Le Deheubarth avait été le récent théâtre de la chute du défunt
roi Rhys ap Tewdwr, et il considérait ce choix comme une insulte faite aux Cymry
et un rappel guère subtil de la suprématie ffreinc. Paradoxalement, seule
Mérian se réjouit de la nouvelle, la voyant comme un juste retour des choses
après ce qu’on l’avait forcée à accepter. Elle n’aurait pas à se rendre seule
en territoire ennemi, toute sa famille devrait l’accompagner.
« Tu pourrais cacher ta joie,
lui dit sa mère. Un peu moins de jubilation t’irait mieux au teint.
— Je ne jubile pas, répondit
Mérian d’un ton suffisant. Mais chacun sa part, n’est-ce pas ce que tu dis
toujours, Mère ? »
Pendant les trois jours qui
suivirent, la forteresse d’ordinaire tranquille s’ébroua des préparatifs du
départ du souverain. Le quatrième, la suite royale prit la route. Tous allaient
à cheval, à l’exception de l’intendant, du cuisinier et du chambellan, qui
partagèrent un chariot dans lequel s’entassaient provisions et divers
équipements. Les serviteurs avaient épousseté et réparé les vieilles tentes en
cuir que Cadwgan utilisait lors de ses campagnes ou de parties de chasse
prolongées – il n’y en avait guère eu ces sept ou huit dernières
années – en prévision du voyage. Elles serviraient également une fois
atteint le lieu de rendez-vous.
« Combien de temps va durer le
conseil ? » demanda Mérian, qui chevauchait à côté de son père. La
matinée était bien avancée en ce second jour de voyage, le soleil brillait déjà
haut dans le ciel, et la jeune femme était dans de bonnes dispositions,
d’autant que celles de son père montraient elles aussi des signes
d’amélioration.
« Combien de temps ?
répéta Cadwgan. Eh bien, aussi longtemps qu’il le plaira à Neufmarché. »
Il y réfléchit un moment, puis ajouta : « Impossible à dire. Tout
dépend de l’affaire qui y sera discutée. Une fois, je me rappelle, le vieux
William – le Conquérant, je veux dire, pas ce sale gamin roux – a
tenu un conseil qui a duré quatre mois. Tu te rends compte, Mérian. Quatre mois
entiers ! »
La jeune femme calcula que si le
conseil du baron durait aussi longtemps, l’été serait fini et elle n’aurait pas
à se rendre à Hereford. « Pourquoi fut-ce si long ?
— Je n’y étais pas, lui
expliqua son père. Nous n’étions pas encore sous le joug de l’occupant, et nos
propres affaires nous occupaient déjà bien assez. Si je m’en souviens bien, le
roi voulait obtenir un accord unanime sur le niveau des taxes terriennes et
mobilières.
— Un accord sur sa proposition,
vous voulez dire.
— Oui, répondit son père, mais
il y avait plus que ça en jeu. Le Conquérant voulait récolter autant d’argent
que possible, c’est certain, mais il savait très bien que la plupart des gens
refuseraient de payer un impôt injuste. Il voulait obtenir l’accord de tous ses
comtes, barons et princes, et les voir s’entendre sur la question, de
manière à éviter qu’ils viennent se plaindre par la suite.
— Habile.
— Oui, c’était un sacré
renard, celui-là », poursuivit son père. Après leurs récents rapports
orageux, Mérian était heureuse de l’entendre lui parler ainsi. « Mais
c’est sur la question de la Loi Forestière qu’ils ont vraiment achoppé. »
Mérian en avait entendu parler.
Elle savait que tous les Bretons sensés, de mêmes que les
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