Robin
monture à sauter par-dessus les rondins
brûlants – pour se retrouver empêtrés dans les broussailles de ronciers.
Ceux qui se trouvaient à l’arrière, voyant les flammes et le chaos devant eux,
abandonnèrent leurs chevaux devenus incontrôlables et se frayèrent tant bien
que mal un passage à travers les branches pour bondir par-dessus les troncs qui
bloquaient leur retraite.
Dans leur panique, ils avaient
oublié leurs camarades pris au piège. Ces soldats ne pensaient plus qu’à
survivre, sans s’inquiéter du sort d’autrui. Une fois libres, ils prirent leurs
jambes à leur cou et repartirent en courant par où ils étaient venus.
Les chariots flambaient à présent,
ce qui ne faisait que terrifier davantage encore les chevaux et les bœufs et
les rendait immaîtrisables. Un par un, les hommes abandonnaient leur monture
pour fuir les bêtes prises de panique et les chariots en feu.
D’une voix rendue rauque à force de
hurler, le commandant Guy tentait de donner des ordres à son escorte dispersée.
L’épée haute, il ne cessait d’exhorter ses soldats à le rallier. Mais l’attaque
surnaturelle les avait tétanisés, et Guy ne pouvait se faire entendre
par-dessus la clameur de bêtes et d’hommes ne pensant qu’à fuir dans la nuit.
En fin de compte, il n’eut d’autre
choix que de laisser sa propre monture et d’imiter ses troupes. Longeant la
file bruyante de ses soldats dévastés, il finit par atteindre l’arrière du
convoi, où il grimpa sur un des troncs à terre. Pour crier le signal de la
retraite.
Les hommes les plus proches
sautèrent aussitôt par-dessus les chênes et dégringolèrent sur la route en
trainant derrière eux les traînards. Guy laissa son sergent l’emmener loin du
carnage. « Venez, sire, dit Jeremias en le tirant par le bras.
Partons. »
Avec une pointe d’hésitation, Guy
jeta un dernier regard par-dessus son épaule sur l’enfer qu’était devenue la
route. Des chevaux terrifiés continuaient à ruer en se jetant tête la première
dans les flammes, les bœufs gisaient par terre, morts – la plupart avaient
été tués par les chevaliers pour les empêcher de les encorner ou de les
piétiner –, des armes et des armures abandonnées parsemaient toute la
longueur du corridor. La débâcle était totale.
« C’est fini, sire, insista
Jeremias. Vous devez rassembler les hommes et reprendre le commandement.
Allons-y. »
Guy de Gysbume hocha une fois la
tête et se détourna. Quelques instants plus tard, il courait dans les ténèbres
d’une nuit étrange et hostile, à peine troublées par les flammes.
CHAPITRE 42
Le tumulte de la retraite chaotique
des soldats effrayés diminua progressivement, jusqu’à ce que bientôt seuls les
craquements des chariots et des broussailles en feu demeurent perceptibles.
Pendant un moment, la forêt parut retenir son souffle, puis des pas
commencèrent à fouler la route royale.
Sept hommes vêtus de capes vertes
avaient sauté par-dessus les rondins enflammés. Avec leurs lances, ils
s’empressèrent d’abattre les animaux blessés avant de faire signe au reste de
leur bande de les rejoindre. En l’espace de six battements de cœur, vingt
hommes et femmes supplémentaires sortirent à pas de loup des bois alentour. Eux
aussi habillés de longues capes vertes constellées de feuilles, de brindilles
et de morceaux de tissu, ils constituaient le peuple fidèle du Roi
Corbeau : le Grellon.
Après s’être débarrassés de leur
cape et de leur capuchon, ils entreprirent d’éteindre les flammes qui
dévoraient les chariots et la végétation environnante en se servant de peaux
préalablement trempées dans la rivière. Dès que les feux furent éteints, on
alluma des torches, on posta des sentinelles, et le Grellon se mit à l’œuvre,
accomplissant en silence les tâches qu’on lui avait fixées. Tandis que certains
finissaient d’achever les chevaux et les bœufs là où ils gisaient, d’autres
emmenaient les bien-portants dans la forêt. Une fois qu’ils se furent occupé
des bêtes, la bande déchargea les chariots toujours fumants et commença à examiner
la cargaison. Une grande partie avait été endommagée par les flammes, bien sûr,
mais il en restait une bonne part intacte. Le tout fut transporté dans la forêt
pour y être caché, dans la perspective d’une utilisation ultérieure.
Lorsque les véhicules eurent été
délestés de leurs paquets, on arracha les coffres-forts
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