Robin
Galles.
— Tout doux, mon garçon.
Prends-moi de haut et je me ferai un plaisir de te corriger histoire de te
rappeler les bonnes manières. Ne crois surtout pas que j’hésiterai.
— Mais allez-y, le défia Bran
en s’avançant brusquement. Je me serai emparé de votre bâton le temps que…
— Du calme ! cria Ffreol,
qui s’interposa en hâte entre Bran et le prêtre vêtu de marron. Nous ne vous
voulons aucun mal. Je vous en prie, pardonnez mes amis, ils s’emportent
facilement. Nous avons subi il y a quelques jours une grave calamité, et je
crains qu’elle n’ait obscurci notre jugement. » Il prononça ces derniers
mots avec un regard de désapprobation à l’adresse de Bran et d’Iwan.
« S’il vous plaît, pardonnez-nous.
— Très bien, puisque vous me
le demandez, concéda le prêtre avec un soudain sourire. Je vous
pardonne. » Après avoir posé son bâton, il ajouta : « Bien !
Nous savons à présent d’où vous venez, mais ignorons encore comment vous vous
appelez tous. Avez-vous des noms de famille en Elfael ? Ou bien en
manquez-vous au point de devoir les garder en réserve pour vous-mêmes ?
— Permettez-moi de vous
présenter Bran ap Brychan, prince et héritier de l’Elfael, dit Ffreol en se
redressant. Et voici Iwan ap Iestyn, champion et chef de guerre.
— Je vous salue, et vous
souhaite la bienvenue », répondit le petit frère avant de lever les mains
pour déclamer : « Les bienfaits d’un âtre chaud sous un toit sec sont
vôtres ce soir. Qu’il en soit toujours ainsi. »
Ce fut au tour de Bran de s’ébahir.
« Comment se fait-il que vous parliez cymry ? »
Le prêtre lui adressa un clin
d’œil. « Et moi qui croyais que les fougueux fils des vallées étaient
aussi stupides que des souches. » Il secoua la tête en gloussant.
« Vous en avez mis du temps. En effet, sire, je parle la langue des
bienheureux.
— Mais vous êtes anglais, fit
remarquer Bran.
— Oui, aussi anglais que le
ciel est bleu, expliqua le frère, mais on m’a kidnappé dans mon enfance et
emmené au Powys. Là-bas, on m’a forcé à travailler dur dans une mine de cuivre
jusqu’à ce que je sois assez vieux – et assez courageux – pour
m’enfuir. Pour presque mourir de froid, oui, car c’était un hiver terrible,
mais les frères de Llandewi m’ont recueilli, pour sûr. Voilà comment j’ai
trouvé ma vocation et prononcé mes vœux. » Son visage s’éclaira d’un large
sourire gracieux ; son ventre rond touchait presque ses genoux. « Je
suis le frère Aethelfrith, déclara-t-il fièrement. Trente ans au service de
Dieu. » Et, se tournant vers Iwan : « Pardon de vous avoir
frappé aussi fort.
— Il n’y a pas de mal, frère…
Eathel… Aelith…» Iwan bégayait, essayant d’adapter son accent breton au nom
saxon.
« Aethelfrith, conclut le
prêtre. Cela signifie noblesse et paix, ou une absurdité
approchante. » Il sourit à ses invités. « Eh bien, dites-moi, que
m’avez-vous apporté ?
— Apporté ? demanda Bran.
Mais rien du tout.
— Quiconque demande à
s’abriter ici m’apporte quelque chose, expliqua le prêtre.
— Nous ne savions pas que nous
allions venir, dit Bran.
— Mais vous êtes bel et bien
là. » Le prêtre adipeux tendit le bras.
« Peut-être une pièce
suffirait-elle ? s’enquit Ffreol. Nous serions reconnaissants d’un repas et
d’un lit.
— Oui, ça pourrait suffire,
admit Aethelfrith d’un ton sceptique. Deux seraient mieux, bien entendu. Voire
trois ! Pour trois pennies, je chante un psaume et dis une prière pour
chacun d’entre vous – et vous aurez du vin avec le dîner.
— Affaire
conclue ! » s’exclama Ffreol.
Aethelfrith se tourna vers Bran
avec l’air d’attendre quelque chose. Irrité par la lourde insistance du frère,
celui-ci fronça les sourcils. « Vous voulez l’argent maintenant ?
— Oh, absolument. »
Avec un soupir froissé, Bran tourna
le dos au prêtre et tira sa bourse de sa ceinture. Une fois le cordon délacé,
il sortit une poignée de pièces et entreprit de séparer les usagées des autres.
Il avait trouvé deux demi-pennies et en cherchait un troisième quand
Aethelfrith lui dit par-dessus son épaule : « Magnifique ! Je
vais prendre celles-là. »
Sans laisser à Bran le temps de
l’arrêter, le prêtre s’empara de trois pennies flambant neufs. « Voilà,
mon gars ! » Il lui indiqua de la main les deux gros
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