Robin
aller
vaquer à ses occupations ainsi que les traces qu’une multitude de créatures
forestières avaient laissées dans la neige piétinée. Il traversa l’étendue
dégagée en clopinant et parvint en un seul morceau à l’orée de la clairière.
Rouge d’euphorie d’avoir accompli
ce petit exploit, il décida de pousser un peu plus loin. Il pénétra dans la
forêt, marchant sans la moindre défiance le long de la piste de neige
parfaitement tassée. Comme c’était bon de pouvoir bouger, de s’étirer. La pente
du chemin était douce, et bientôt il atteignit un petit ruisselet couvert d’une
fine couche de glace translucide ; il pouvait entendre l’eau couler en
dessous.
La piste tournait pour suivre le
courant ; sans réfléchir, Bran le suivit. Peu après, il atteignit un
endroit où le sol chutait en pente raide. L’eau se frayait un chemin à travers
une profonde tranchée à flanc de coteau avant de disparaître en une série de
cascades rocailleuses. Le chemin suivait le ravin, mais serait bien trop raide
pour Bran, qui décida de faire demi-tour. Lorsqu’il eut retrouvé l’endroit où
la piste et le ruisseau se rejoignaient, il poursuivit sa route, pour bientôt
tomber sur une nouvelle impasse. Une saillie rocheuse deux fois plus haute que
lui s’élevait à sa gauche ; à sa droite, le ruisselet coulait au fond d’un
défilé accidenté. Tout droit, le tronc d’un orme tombé lui bloquait le passage
tel un mur noir et noueux couvert d’écorce.
Il doutait de pouvoir escalader
l’arbre mort – dans son état actuel, il n’osait pas prendre le risque. Il
n’avait d’autre choix que de revenir sur ses pas s’il voulait retrouver la
route de la grotte. Il comprit alors qu’il avait marché plus loin qu’escompté
et qu’il avait sérieusement sous-estimé la côte en la descendant.
La pente était rude, la neige
glissante sous ses pieds. À deux reprises il manqua tomber ; chaque
récupération occasionna une vive sensation de déchirure – comme si ses
blessures s’étaient rouvertes une fois encore. La seconde fois, il resta un
instant à quatre pattes dans la neige, à attendre que la vague de douleur
s’estompe.
Il poursuivit beaucoup plus
prudemment, mais l’effort éprouva bientôt ses muscles encore faibles ; il
devait s’arrêter après chaque dizaine de pas pour se reposer et reprendre son
souffle. En dépit du froid, il commença à transpirer. Sa tunique et son manteau
furent bientôt détrempés et leur moiteur glacée le fit frissonner jusqu’aux os.
Le temps que la caverne soit en vue, il tremblait de froid et haletait de
douleur.
La tête baissée, soufflant comme un
ours blessé, Bran se traîna sur les cent derniers pas qui le séparaient de la
grotte. Il tituba jusqu’à son lit, sur lequel il s’écroula. Il y resta étendu
un long moment, tout tremblant, trop faible pour remonter les toisons sur lui.
Ce fut ainsi qu’Angharad le trouva
quelque temps plus tard, quand elle revint les mains pleines de quatre bécasses
des bois.
Bran, sentant une présence, ouvrit
ses yeux et la découvrit penchée sur lui, le front plissé d’inquiétude.
« Tu es sorti, lui dit-elle simplement.
— Oui », répondit-il
d’une voix rauque de fatigue. Il serrait les dents pour les empêcher de
claquer.
« Tu n’aurais pas dû. »
Après avoir mis les oiseaux de côté, elle l’aida à se coucher correctement et
arrangea ses couvertures.
« Pardon », murmura-t-il
en s’enfonçant avec gratitude sous les toisons. Il ferma les yeux et se remit à
trembler.
Angharad relança le feu et
entreprit de préparer les bécasses pour leur souper. Bran s’assoupit par
intermittence jusqu’au soir. Quand il se réveilla pour de bon, il faisait
sombre dehors. La grotte était chaude, et emplie d’un arôme de viande rôtie. Il
se redressa avec raideur et se frotta la poitrine ; la blessure était
douloureuse, ses poumons le brûlaient.
Le voyant lutter pour se lever, la
vieille femme vint à lui. « Tu vas rester couché.
— Non, dit-il avec beaucoup
plus de force qu’il n’en ressentait. Je veux me lever.
— Tu t’es surmené et tu dois
te reposer à présent. Ce soir, tu resteras au lit.
— Je ne vais pas me disputer
avec vous, dit-il en guise d’acceptation. Mais vous allez encore chanter pour
moi ? »
Angharad lui sourit. « On
pourrait presque croire que tu aimes mes chants. »
Cette nuit-là, après le souper,
Bran resta
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