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Robin

Robin

Titel: Robin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Stephen R. Lawhead
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Que
vois-tu ? »
    Embarrassé à l’idée de lui confier
ses véritables pensées – à savoir qu’il voyait une vieille bique
repoussante avec des morceaux de feuilles et des graines dans les
cheveux ; une vieille sorcière monstrueuse à la peau noircie par la fumée,
vêtue d’une robe en lambeaux crasseuse et tachée de graisse ; une épave
humaine bossue traînant des pieds –, Bran ravala ses remarques blessantes
et répondit : « Je vois la femme dont les grands talents et la
sagesse ont sauvé ma vie.
    — Et je te le demande,
dit-elle en continuant à rouler la pâte entre ses paumes calleuses, cette vie
valait-elle d’être sauvée ?
    — J’espère que vous le
pensez. »
    Angharad s’immobilisa et fixa le
jeune homme avec l’intensité d’une flamme sur sa peau. « Je l’espère de tout
mon cœur, dit-elle sur le ton d’un serment solennel. Et tout l’Elfael partage
cet espoir. »
    Se sentant soudain indigne de
pareille estime, Bran détourna les yeux en direction du feu et n’ouvrit plus la
bouche de la soirée.
     
    Bien des jours passèrent, et la
santé de Bran s’améliora peu à peu. Troublé, contrarié par son incapacité à se
déplacer comme il l’aurait voulu, il se morfondait devant le feu, nourrissant
celui-ci de brindilles, d’écorces et de branches pour passer le temps. Il se
savait insuffisamment rétabli pour partir, et même s’il avait pu faire plus de
quelques pas boitillants sans s’épuiser, l’hiver, avec son cortège de blizzards
et de rafales, faisait toujours rage. Ce qui ne l’empêchait pas d’espérer
partir et de faire des projets dans ce sens.
    Angharad, il le savait, ne l’en
empêcherait pas. Elle le lui avait dit, et il n’avait aucune raison de ne pas
la croire : elle semblait plus que bienveillante à l’égard de sa
situation, car elle aussi nourrissait en elle une sourde haine à l’égard des Ffreincs
qui avaient envahi l’Elfael, tué le roi et écrasé sa garde. Les étrangers,
ainsi qu’elle les appelait, dont la présence était une offense faite au ciel,
une écharde dans le pied de Dieu.
    Si Bran partageait son point de
vue, il ne s’imaginait pas capable de faire quoi que ce soit de significatif
pour changer la donne. Et même s’il avait été enclin à le faire, il n’en
restait pas moins qu’on l’avait condamné à mort. Si on l’attrapait une fois
encore en Elfael, il savait que le comte de Braose n’hésiterait pas à finir ce
que ses soldats avaient presque réussi à accomplir à la lisière de la forêt.
    Le souvenir de cette attaque venait
souvent le réveiller en pleine nuit pour lui insuffler une irrépressible envie
de fuir, de rejoindre un refuge sûr au nord, d’abandonner l’Elfael et de
l’oublier à jamais. À d’autres moments, il s’imaginait au-dessus du corps du
comte de Braose, le fer de sa lance profondément enfoncé dans les intestins de
son veule ennemi. Parfois, il cherchait un moyen de concilier ces deux
ambitions contradictoires. Peut-être pourrait-il s’enfuir au nord, persuader
ses parents de se joindre à lui, et revenir en Elfael avec une armée pour
bouter les envahisseurs ffreincs hors de ses terres.
    Cette perspective avait été longue
à germer dans son esprit. Depuis le début, sa première impulsion avait été de
fuir, et elle revendiquait toujours la primeur dans son esprit. L’idée de
rester se battre pour sa contrée et son peuple ne l’avait effleuré que
récemment – semée, à n’en point douter, par les histoires qu’Angharad lui
avait racontées, des histoires qui lui avaient empli la tête de toutes sortes
de pensées nouvelles et inconnues.
    Un matin que Bran se leva tôt, il
découvrit que sa gardienne ratatinée l’avait laissé seul. Se sentant
suffisamment reposé, il s’estima capable de marcher depuis la grotte jusqu’à
l’orée de la clairière. Le ciel était sans nuage, l’air vif, et le soleil
venait de se lever. Il prit une profonde inspiration et sentit aussitôt sa
gorge et son flanc se serrer, comme si des cordes le retenaient encore au plus
profond de lui-même. Le froid rendait son épaule douloureuse, mais il en avait
l’habitude à présent, et cela ne l’ennuyait plus. Ses jambes lui paraissant
suffisamment fortes, il commença à marcher – doucement, en prenant des
précautions exagérées.
    Le sol descendait en pente depuis
l’entrée de la grotte. Bran vit le chemin qu’Angharad avait emprunté pour

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